Feelings Fade With Distance [Terminé]

30 - Toi et moi

Mon père m'a souvent répété cette phrase : une guerre entraîne des sacrifices, et avec des sacrifices quelqu'un s'égare. Cette guerre que je livre contre moi-même en est la plus belle des représentations.

Mon cœur bat. Vite.

J'ai freiné juste à temps, aucune collision, aucun impact. Ma voiture s'est légèrement décalée sur le côté et celle d'en face à continuer sa route comme si de rien était. J'aurais pu mourir à cette vitesse.

-Bordel, fais chier putain.

Je tape plusieurs fois sur mon volant, mon souffle ralentit doucement. Une vieille dame tape sur ma vitre.

-Tout va bien jeune fille ?

Je hoche la tête, la voiture de derrière klaxonne à plusieurs reprises.

-Tu peux attendre deux minutes !

Je n'imaginais pas cette grand-mère aussi audacieuse, elle marmonne dans sa barbe un tas d'insultes qui décrochent un de mes sourires.

-Bonne journée à toi alors, et fais attention à ta vie.

Je reprends ma route, doucement cette fois-ci, je ne peux pas me permettre de risquer ma vie tant que je ne me suis pas libérée auprès de Matéo. Je me gare juste devant chez lui. L'immeuble n'est pas très grand mais le quartier à l'air magnifique et surtout assez paisible. 

Les bâtiments sont parsemés de pierres rouges qui entrent parfaitement en contraste avec les arbres autour. J'ai presque l'impression d'être dans une petite ville et bien loin de Boston. Je n'étais jamais venue par ici avant et j'espère de tout coeur que ce n'est pas la dernière. 3604. 

La porte s'ouvre après que j'ai tapé le code à l'interphone, elle est immense et en bois sombre. L'entrée est assez simple et éclairée, je la traverse rapidement sans m'y attarder. Je ne sais pas ce que je vais pouvoir lui dire, ça se trouve il n'est même pas là. Plus que trois étages, seules quelques dizaines de marches nous séparent.

-Allez, courage. Papa j'espère que de là où tu es, tu penses que je fais la bonne chose.

Je trotinne dans les escaliers pour atteindre une porte bleu foncé, et une plaque avec son nom inscrit sur le dessus. Ma main se précipite sur la sonnette mais elle s'arrête net. Et s'il n'était pas seul, il ne me doit rien après tout. Peut-être qu'il n'a pas envie de me revoir, ou qu'il me hait. 

Si je réfléchis trop je vais finir par abandonner et retourner bredouille chez moi, sans rien tenter comme toujours. J'ai passé ma vie à fuir les discussions parce que je n'aime pas ça, quitte à perdre ce qui m'est le plus cher. J'appuie sans réfléchir. 

J'entends des pas, il est là. Mes pieds n'ont qu'une envie, prendre l'escalier dans l'autre sens et partir en courant. Je ne sais pas qui de mon coeur ou ma tête a la force nécessaire pour me faire rester sur place. La poignée bouge, je prends une grande inspiration qui me brûle les poumons.

-Ruby?

Il est en face de moi, plus époustouflant que jamais. Vêtu seulement d'un jogging gris, je me permets d'observer son corps, celui que je ne peux plus toucher quoique j'en meure d'envie. Aucun de nous deux ne prends la parole, on s'observe dans le silence. 

Son visage est marqué par la fatigue et ses yeux sont légèrement rougis. Je me pince les lèvres en imaginant qu'une seule larme ait pu couler à cause de moi et ruinée ce beau visage, celui qui sourit en permanence. C'est la première fois que je le vois comme ça.

-Comment est-ce que...

-Nate.

Enfin je l'aperçois, un léger sourire qui me réchauffe le coeur. D'un signe de tête il me montre l'intérieur, je prends ça pour une invitation. Je plonge dans son intimité, chez lui et la pression qui me serrait déjà la gorge monte encore plus.