16- Berceuse

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-Non, non, non pas comme ça.

-Tu sais que c'est une rediffusion, on connaît déjà l'issue de ce match.

Je suis assise entourée d'une couverture sur mon canapé et calée contre l'épaule de Matéo. Mon père est installé sur son vieux fauteuil comme à son habitude. Nous dégustons des pizzas devant une rediffusion "d'un des meilleurs matchs de l'histoire du football", ce sont leurs mots évidemment.

-Laisse-moi vivre cette rencontre comme si j'y étais s'il te plaît.

Ce sera le cas bientôt, ne t'en fais pas, et je pense que mon père est de mon avis. Les recruteurs avaient l'air ravis de sa performance ce soir. L'année prochaine je suis certaine que de nombreuses équipes vont se battre pour l'avoir dans leurs rangs.

J'aimerais lui dire tout ça mais songer au fait que tout se terminera sûrement entre nous dans quelques mois me cisaille le cœur en deux, je ne préfère pas y penser tout simplement. 23h40, mes paupières commencent à se fermer toutes seules. Mon père s'est visiblement endormi, je remonte une couverture sur lui puis j'éteins les lumières.

-C'est drôle de voir le coach qui dort, il est tout calme.

-Avance au lieu de raconter n'importe quoi toi.

Il pouffe et continue finalement de monter les escaliers jusqu'à ma chambre. Je m'enferme dans la salle de bain pour enfiler mon t-shirt de nuit et lorsque je retourne dans ma chambre je tombe sur Matéo qui a pris ses aises. Il est affalé sur mon lit sur le ventre et prend littéralement la place de trois personnes.

Je ferme les volets, éteins les lumières et finalement je me glisse sous la couette en le décalant un peu. Il grogne et vient vite me rejoindre en m'enfermant de dos dans ses bras, sa bouche à la hauteur de mon oreille.

-Encore joyeux anniversaire...

-Parmi tous ceux que j'ai fêtés, c'est sûrement le plus beau.

J'imagine bien que les fêtes de famille ne devaient pas être glorieuses, il ne semble même pas retourné les voir pour ce week-end.

-Tes parents ne t'ont pas appelé?

Je ne devrais peut-être pas poser la question comme ça mais ça m'affecte qu'il n'ait pas une bonne relation avec eux. Il soupire longuement et lentement, nous sommes plongés dans le noir complet mais je devine son air quelque peu déçu.

-Je recevrais une carte avec de l'argent dans quelques jours sûrement, s'ils n'ont pas oublié.

Ces mots sont durs, tout autant que ses parents à son égard.

-Est-ce qu'on pourrait éviter de parler d'eux pendant ce qui est censé être le meilleur jour de l'année?

Je me retourne pour lui faire face, je plonge mes lèvres sur les siennes. Il paraît surpris mais je ne suis pas très douée avec les mots donc autant agir au lieu de parler.

-Excuse-moi tu as raison, je veux juste que tu ailles le mieux possible.

-Je crois que tu n'as pas besoin de faire grand-chose d'autre, c'est déjà parfait.

Mes yeux s'habituent petit à petit au noir et je perçois désormais partiellement les traits de son visage grâce à la lumière provenant des lampadaires de la rue. Matéo remonte son poignet vers mon visage, je sens le contact du bracelet sur ma joue.

-Je n'avais pas encore d'objet fétiche mais après le match de ce soir je crois que je désigne officiellement ce cadeau comme mon nouveau porte-bonheur.

-Je suis contente qu'il te plaise.

Le silence envahit la pièce, j'imagine qu'il s'est peut-être endormi mais son souffle n'a pas semblé ralentir.

Feelings Fade With Distance [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant