Nul ne peut empêcher la nuit de tomber

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Proverbe Africain.

Dans le noir, la jeune femme tremblait. L'aube allait bientôt pointer et l'homme allongé à ses côtés dormait profondément depuis plusieurs heures. Elle n'était pas parvenue à fermer l'œil de la nuit.

Elle avait peur, ce sentiment lui dévorait les entrailles et la tétanisait. Elle avait peur de demain. Peur de ce qui pourrait lui arriver, peur pour son fils qui n'avait pas sept ans.

Elle entendait le souffle de son mari à côté d'elle. À chaque soupir, chaque battement de son cœur, elle s'attendait à ce qu'il se réveille. Elle ne voulait pas y penser. Tous les matins, lorsque la nuit, paisible et calme prenait fin, elle savait qu'elle replongeait en enfer jusqu'à la prochaine nuit.

Elle n'osait pas faire un geste. Elle se répétait sans cesse pourquoi elle avait quitté les Érudits et pourquoi ce mariage avait eu lieu. Des belles promesses de confort et de richesse, d'amour et d'harmonie. Rien qu'en y repensant, elle avait envie de vomir. Lui, cet homme vieux et immonde avec qui elle avait accepté de vivre. Cet homme puissant et violent qu'elle ne pouvait pas quitter pour ces deux raisons. Et puis il y avait leur fils.

Evelyn Johnson-Eaton était mariée à Marcus Eaton depuis déjà de nombreuses années. Jeune et insouciante à l'époque, ayant à peine vingt ans, elle n'avait pas réalisé que sa vie se transformerait en cauchemar après cet instant. Elle se croyait si heureuse, jusqu'à ce que Marcus révèle sa véritable personnalité.

Après seulement quelques mois qui suivirent leur mariage, Evelyn accoucha d'un petit garçon qu'ils nommèrent Tobias. Cet instant de bonheur suffit à permettre à la jeune femme de reprendre en main et d'affronter la vie, la tête haute. Elle ne se doutait pas que son cauchemar empirerait après cet événement pourtant d'ordinaire si merveilleux.

Marcus était le chef d'une des cinq faction de leur ville. Les Altruistes. Ils étaient les pacifistes, ceux qui rejetaient la vanité, bannissaient l'égoïsme. Il leur était interdit de se regarder dans un miroir pendant trop de temps. Chaque jour, ils se devaient de les nourrir et de leur fournir des vêtements, faisant passer le bien-être des sans factions avant le leur. Les sans factions étaient ceux qui n'avaient pas trouvé leur place au sein de la société. Ils étaient les exclus, les rejetés.

Marcus était un membre important dans l'équilibre de la société. Evelyn ne pouvait pas se permettre de le dénoncer ou de le quitter, risquant de briser son image. Et puis où irait-elle ? Elle finirait parmi les sans factions qui vivaient dans la crainte et la misère chaque jour, dépendant de l'aide des altruistes. Elle ne voulait pas de cette vie là.

Un grincement sonore se fit entendre dans la pièce silencieuse où le couple dormait. Les battements de cœur de la jeune femme s'intensifièrent. La porte entrebaillée s'ouvrit lentement, et une petite tête ronde apparu dans l'embrasure. Evelyn écarquilla les yeux, sentant le malheur qui allait bientôt s'abattre sur eux, comme une épée de Damoclès au dessus de leur tête en permanence.

Le petit Tobias s'avança jusqu'à sa mère à pas frêles et furtifs. Elle se redressa avec le plus de discrétion possible et murmura d'une voix à peine audible :

- Que se passe-t-il mon chéri ?

- J'ai fait un cauchemar, minauda-t-il en se frottant les yeux.

Elle se mordit la lèvre inférieure en le suppliant de faire moins de bruit. L'homme a côté d'elle ne bougea pas.

- Ce n'est rien, retourne te coucher.

Tobias Eaton (Origines) Où les histoires vivent. Découvrez maintenant