La mémoire du dégoût est plus grande que la mémoire de la tendresse

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Citation de Milan Kundera    

Eden entra en trombe dans la chambre et s'assit lourdement sur son lit. Edgar l'observait timidement du coin de l'œil.

        - Dès que je m'absente moins d'une journée, il faut toujours qu'un drame survienne.

          Il soupira. Il venait de passer voir Evelyn à l'infirmerie et avait eu une discussion animée avec le médecin.

         - Amnésie traumatique, rien que ça.

         Edgar restait muet à l'autre bout de la pièce, les bras croisés, le regard sombre.

        - Elle va finir par récupérer la mémoire je suppose ?

         - Apparemment oui. Elle a eu un choc et une partie de son cerveau a décidé d'enfouir au plus profond de sa mémoire des souvenirs douloureux qu'elle ne pouvait pas supporter. Mais ils ne sont pas perdus, ils sont juste bien cachés. Le médecin devrait l'aider à les faire ressurgir.

         Edgar se précipita alors vers la porte et Eden de leva pour le retenir par le bras :

        - Où vas tu ?

       - Empêcher le médecin de la faire souffrir.

         Eden fronça les sourcils :

         - Il va l'aider à retrouver la mémoire !

        - Justement, ses souvenirs sont très bien là où ils sont, enfouis dans les ténèbres. J'aurais bien aimé moi, oublier toute la première partie de ma vie, avant de vivre ici avec toi.

         - Ce n'est pas parce que toi tu l'aurais voulu qu'Evelyn le souhaite elle aussi !

         - Tu as la preuve que c'est ce qu'elle a toujours voulu. Son corps les a effacés tout seul.

         - Personne ne mérite de devenir amnésique. Ses souvenirs, c'est tout ce qui lui reste de sa vie d'avant et de sa famille.

         - Sa famille, c'est nous ! Pas cet enfoiré de Marcus.

         - Et Tobias ? C'était la seule personne qui la maintenait debout !

          Edgar se renfrogna et tomba assis sur le lit, dos à Eden. Celui-ci se retourna et pressa amicalement l'épaule du jeune homme avant de murmurer :

          - Viens avec moi à l'infirmerie pour l'instant. Le médecin voudrait te parler.

          Arrivés là-bas, ils y découvrirent Evelyn, le regard toujours plongé dans le vide. Elle était assise sur une chaise en face d'un homme en blouse blanche qui lui posait des questions auxquelles elle arrivait difficilement à répondre.

           Lorsque les deux hommes poussèrent la porte en bois dotée d'un petite ouverture en verre, le médecin abandonna sa patiente pour se diriger vers eux.

           Il était plutôt jeune et peu expérimenté, mais il faisait toujours de son mieux pour aider ses camarades sans faction. Dans la pièce mal éclairée aux odeurs de renfermé, il murmura :

- J'ai tout essayé pour lui remémorer quelques souvenirs, mais d'après ce que vous m'avez dit, le traumatisme qu'elle a vécu a l'air très important.

Il venait de s'adresser à Eden qui hocha gravement la tête. Il se tourna alors vers Edgar, qui lui lançait des regards noirs, les mains enfoncées dans ses poches.

- Un élément à ravivé brutalement des souvenirs qu'elle avait essayé de bannir. À cause de cela, son cerveau a mal réagit et tous les souvenirs qu'elle avait ont disparu. Sais tu ce qui a déclenché cela ?

- Oui, marmonna l'adolescent. Des mecs  nous ont agressé dehors et ils ont dû lui rappeler Marcus.

- Comment a-t-elle réagit ?

- Elle leur a collé une balle chacun dans la tête.

Eden et le médecin ne purent cacher leur étonnement. Le grand homme a la peau sombre abandonna son interlocuteur et se dirigea vers la forme recroquevillée sur sa chaise qui bondit à son approche.

Evelyn l'observait avec des yeux brillants et se blottit brusquement contre lui en ravalant ses larmes. Déboussolé, Eden ne su pas comment réagir, mais l'enlaça à son tour après un regard d'encouragement de la part d'Edgar.

- Je les ai tués, sanglota Evelyn contre son torse.

Il resserra la pression qu'il exerçait autour de sa mince silouhette et murmura :

- Je sais, mais il faut passer par là pour arriver à ses fins. Je t'avais dit qu'une guerre se préparait.

Il s'écarta alors de la jeune femme et essuya doucement les larmes qui perlaient aux coins de ses yeux.

- Mais le méritaient-ils ?

- À toi de me le dire.

- Je ne sais pas, répondit la jeune femme en se remettant à verser de grosses larmes de désespoir.

- Moi je te dis qu'ils le méritaient amplement, crois moi, s'exclama alors Edgar, les bras croisés. Ils t'ont permis de dégager ces satanés de souvenirs de ta tête.

Evelyn le regardait avec des yeux inondés de larmes et se tourna de nouveau vers Eden :

- De quoi parle-t-il ? Quelle est cette histoire d'amnésie je ne comprends pas...

Eden la prit dans ses bras à nouveau en caressant sa chevelure ondulée.

- Ça va te revenir, ne t'en fais pas.

Evelyn cessa de poser toutes les questions qui lui torturaient l'esprit. Elle était dans les bras d'Eden, elle était bien. Elle se sentait enfin en sécurité, elle se sentait aimée, et jamais de tels sentiments ne l'avaient autant rassurés.

Les semaines passèrent. Evelyn avait des séances chaque jour avec le médecin qui lui posait toutes sortes de question pour essayer de lui faire recouvrer la mémoire, sans pour autant la brusquer. Eden lui aussi essayait de lui lancer quelques sous entendus par moment, sous les regards accusateurs d'Edgar, qui était toujours contre l'idée de faire revenir les souvenirs de la jeune femme.

Il ne supportait pas de la voir souffrir, il voulait que ses nuits de cauchemar cessent définitivement. Cependant, Evelyn lui avait fait comprendre qu'elle voulait récupérer ses souvenirs. Il avait beau lui affirmer qu'ils étaient néfastes pour elle, l'envie de retrouver la mémoire était plus forte.

Un jour, alors qu'Eden était partit négocier avec Éric, le chef des Audacieux cette fois ci, ils se donnèrent la permission de faire une petite sieste. Edgar tomba raide sur son lit tandis qu'Eden, Marco, Jorge et Ethan se préparaient à partir pour le quartier général des Audacieux.

Evelyn n'avait pas sommeil, elle avait eu un rendez vous à l'infirmerie le matin même, mais le médecin lui avait assuré qu'elle pouvait revenir à n'importe quel moment.

Le jeune adolescent ferma les yeux, le ventre étalé contre son matelas. Evelyn était assise à côté de lui, sur le bord. Elle le regardait dormir paisiblement. Elle aimait le regarder dormir. Il semblait heureux, au pays des songes.

Elle aimait le regarder dormir.

Elle aimait regarder dormir son fils.

Elle aimait regarder dormir Tobias.

Tobias !

Tobias Eaton (Origines) Où les histoires vivent. Découvrez maintenant