Ceux qui ont subi un traumatisme sont prédisposés à s'autodétruire

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Citation de Mary Higgins Clark

NDA: J'adore cette auteure ! Si vous aimez les romans policiers, vous ne pouvez pas passer à côté d'elle !

    

      Tout ce qu'elle voulait, c'était disparaître au fond d'un trou, s'effacer, elle n'avait plus envie de vivre. La douleur resurgissait. Pourquoi, pourquoi ne pouvait elle enfin pas se défaire de cet homme ? Et de ce qu'il lui avait fait ?

        Était elle destinée à subir inlassablement cette souffrance, même loin de lui ? Elle n'en voulait plus, elle avait voulu l'oublier. Les souvenirs l'assaillaient sans répit. Elle ne voulait plus lutter, ne penser à rien.

       La réalité revint soudain. Brutale et sans pitié. Elle sentait son souffle dans son cou, ses mains sur ses hanches, ses poignets étaient toujours immobilisés contre le mur. Evelyn tremblait, gémissait discrètement.

       Elle ferma les yeux, elle ne voulait pas les regarder en face, elle n'en avait pas la force. Au loin, dans ses oreilles bourdonnantes résonna une voix qu'elle ne distinguait pas. La masse collée à son corps devint moins conséquente. Elle respira plus facilement tandis que ses agresseurs désserraient leur emprise sur elle.

        À sa gauche, une ombre s'avançait, se détachant dans la faible lumière des néons du couloir. Lorsqu'elle ne fut plus qu'à quelques mètres, Evelyn reconnu avec soulagement Éden. Il s'approcha d'un pas menaçant vers les trois hommes mais parla d'une voix calme :

       - Éloignez vous.

       Reconnaissant Éden, l'ami de leur chef, ils obéirent. Chancelante, Evelyn tomba dans les bras de l'homme à la peau sombre qui la retint par les épaules.

        - Tout va bien ?

        Ses yeux vitreux fixaient le vide, dénués de vie ou de sentiments. Elle n'articula pas un mot et Éden se pinça les lèvres.

        - Déguerpissez, et évitez de vous faire remarquer de nouveau ou vos actions remonteront aux oreilles de Marco.

        Résignés, les trois sans faction au visage caché dans l'ombre ne s'avouèrent tout de même pas vaincus :

         - Tu te crois en sécurité ma mignonne, mais Éden ne fera qu'une bouchée de toi, pourquoi crois tu qu'il t'a pris sous son aile ? Si ce n'est pour se jeter sur toi dès la première occasion ?

        Piqué au vif, l'homme aux longues tresses noires envoya son coude dans le nez de l'un des trois homme qui venait de parler et ils prirent enfin leurs jambes à leur coup.

        Evelyn les regarda s'éloigner d'un air neutre et Éden se tourna vers elle en la soutenant :

         - Répond moi Evelyn, que t'ont-t-ils fait ?

        Il paraissait inquiet. La jeune femme ne décrocha toujours pas un mot. Elle ressemblait à une poupée de porcelaine que tout le monde pouvait manipuler à sa guise. Elle ne bougea pas, et Éden ôta sa veste en cuir noir pour la déposer sur ses épaules.

        - Rentrons, Edgar nous attend. C'est d'ailleurs lui qui m'a prévenu et je suis parvenu à arriver à temps.

        Non. Il n'était pas arrivé à temps. Le mal était fait, Evelyn ne s'en remettait pas. Voyant qu'elle ne faisait toujours pas un geste, il passa ses bras dans son dos et sous ses genoux pour la soulever avec aisance au dessus du sol.

       Elle était figée, incapable de réagir;  alors peiné, Éden la transporta jusqu'à ses appartements. A peine fut il entré dans la chambre que le jeune adolescent l'aborda immédiatement. Il observa l'attitude figée d'Evelyn qui avait posé la tête contre le torse de son sauveur. Ils n'échangèrent pas un mot.

        Éden déposa alors délicatement la jeune femme dans son lit et soupira. Elle avait gardé les yeux mi-clos, mais enfin en sécurité, elle battit des paupières et deux larmes roulèrent le long de ses joues.

        Pourrait-elle s'en remettre un jour et enfin tout oublier ? Ou garderait-elle toute cette souffrance au fond d'elle même sans jamais vraiment pouvoir s'en débarrasser ? La douleur serait toujours ravivée, et le souvenir perdurerait. Ce qu'elle ne savait pas, c'est que cette souffrance allait se transformer en véritable haine.

       Evelyn resta des jours enfermée dans la chambre en mangeant peu et en ne décrochant pas un seul mot. Son esprit vivait un état de choc difficile à encaisser, et les deux hommes qui vivaient avec elle ne savaient pas qu'elles en seraient les conséquences. La tête entre les mains, elle essayait le faire le vide dans sa tête, ses rêves étaient aussi affreux les uns que les autres, ses nuits étaient une véritable calvaire, et la peur qu'elle avait développée s'accroissait de jours en jours.

       Personne ne pouvait plus l'approcher, pas même Edgar et Éden qu'elle aimait beaucoup. Ils lui déposaient ses repas près de son lit et elle n'y touchait que lorsqu'ils étaient sortis de la pièce.

       Un jour où Éden allait lui porter son plateau, il trouva la chambre complètement vide. Pris d'un soudain élan de panique, il dévala les escaliers pour prévenir Edgar. Le jeune homme resta muet comme à son habitude, puis articula timidement :

      - Si elle n'est pas en haut, je sais où elle a pu aller.

       Ils traversèrent en toute hâte les longs corridors, slalomant entre les sans factions qui discutaient et riaient d'un air décontracté. L'inquiétude était peinte sur le visage d'Eden depuis ces dernière semaines et ne le quittait pas. Jamais ils n'avaient reparlé à Evelyn de son ancienne vie, et ils n'étaient pas prêts de lancer le sujet. Arrivés face à la porte de la salle, ils la poussèrent sans hésitation et scrutèrent les visages de toutes les personnes qui s'entraînaient.

         Ils ne virent rien au début, jusqu'à ce que Marco les rejoigne, son visage exprimant une certaine contrariété :

       - Elle est au fond, articula-t-il en fixant une mince silhouette qui s'acharnait contre un sac de frappe.

        Evelyn tapait sans relâche, et sans prendre aucune pause depuis de longues heures déjà. Elle ne faiblissait pas, ses mains étaient recouvertes de sang, et des gouttes de sueur tombaient en cascade le long de ses tempes.

       Sa pâleur et sa maigreur faisaient peur à voir, mais elle ne lâchait rien. Sa volonté de devenir plus forte surpassait la faim ou la fatigue. Dans ses coups, elle évacuait sa rage et sa peur. Son visage tordu exprimait en même temps tous ses ressentis qu'elle déversait à l'aide de ses poings.

       Elle voulait devenir plus forte, et au fil des mois, elle le devint plus qu'elle ne l'aurait imaginé. Mettant de côté toutes ses pensées, elle ne se concentrait plus que sur une chose : l'instant présent.

Tobias Eaton (Origines) Où les histoires vivent. Découvrez maintenant