J+18
J'étais méfiante de nature, sinon je n'aurais jamais tenu aussi longtemps dans ma ligne de travail. Et pourtant, je dois reconnaître que croire que cette liste nous garderait moi et Jimmy en sécurité était l'une des choses les plus naïves que j'aurais pu penser. J'étais convaincue que nous arriverions à trouver quelqu'un d'aussi bienveillant et courageux que Mme Paige, mais il s'avéra que les choses étaient un peu plus compliquées que prévu.
Il y avait, bien évidemment, des personnes aussi généreuses qu'elles, mais ils avaient juste trop peur de nous garder pour une durée indéfinie. On nous donnait souvent un plat chaud, ou bien on nous autorisait à passer la nuit, mais rien de plus malheureusement. Et malgré la frustration qui me rongeait jour après jour, je ne pouvais qu'accepter le fait que les circonstances n'étaient pas en notre faveur : le pays dans lequel nous avions grandi était maintenant en guerre.
De ce que je savais, Londres et sa banlieue, comme un grand nombre d'autres grandes villes, étaient placées sous la loi martiale. Les arrestations et les exécutions pouvaient être réalisées avec ou sans mandat ; ça n'avait pas d'importance, tant que le gouvernement l'approuvait. Le système était passé de libéral à arbitraire, de démocratique à autoritaire. De plus, de ce que j'avais pu voir à la télé, j'étais la personne la plus recherchée dans tout le pays. J'aurais tant aimé que Jimmy puisse rester en dehors de tout ça, mais il semblait qu'on le traquait également, à cause des résultats qu'il avait obtenus à ce mystérieux test. J'étais peut-être une cible prioritaire par rapport à lui, mais étant donné qu'ils viendraient pour lui tôt ou tard, j'avais préféré le maintenir en sécurité, près de moi.
Comme mentionné auparavant, nous ne pouvions pas rester quelque part pour plus d'une nuit. La plupart du temps, nous dormions dans des appartements et des maisons abandonnés, et je peux vous assurer qu'il y avait beaucoup ! Ça pourrait sembler surprenant, mais entre la soi-disant attaque biologique, l'angoisse causée par le coup d'état et les rafles où tout le monde se retrouvait testé, puis pour certains emmenés, quelques milliers de personnes avait décidé de fuir la ville.
Nous trouvions donc assez facilement des endroits pour passer la nuit – après tout, faire sauter une serrure n'était pas si compliqué que ça – mais si c'était facile pour nous, ça l'était aussi pour beaucoup d'autres. Il n'y avait plus de nourriture ou de meubles précieux vu que les biens avaient été pillés bien avant notre arrivée, mais la pauvreté était toujours très présente et la majorité des immeubles se retrouvaient investis par les SDF et les fugitifs à la tombée de la nuit.
Ils ne nous dérangeaient presque jamais, étant donné que j'avais un pistolet et plusieurs couteaux dans ma manche, mais ces endroits étaient également les cibles de raids menés par la police quand nous avions de la chance, et par les Faucons Noirs lorsque nous n'en avions moins. Il ne me fallut pas beaucoup de temps pour comprendre que ces gars-là ne rigolaient pas : s'en débarrasser était tout sauf facile !
À chaque fois que quelqu'un acceptait de nous accueillir, la police militaire – car c'est ce dont il s'agissait – l'apprenait d'une façon ou d'une autre, soit par délation, soit dû à la surveillance constante de la population, et finissait toujours pas pénétrer dans la pièce avec armes de poing et fusils d'assaut. Je trouvais toujours une façon de s'échapper, mais l'évasion de chez les Cadbury lors du réveillon de Noël fut définitivement quelque chose de mémorable. Je ne vais pas entrer dans les détails, mais nous avons failli ne pas passer entre les mailles du filet cette nuit-là !
Je m'efforçais de rester confiante et optimiste, un peu pour moi, mais surtout pour Jimmy. Je voulais qu'il garde espoir, qu'il garde la foi, mais je ne pouvais pas me mentir à moi-même : je doutais sincèrement que nous trouvions un abri permanent, ou du moins celui-ci ne serait pas à Londres. Et étant donné qu'il y avait des blocus à chaque sortie de la ville, nous laisser guider par la liste semblait être notre seul et unique espoir.
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Vert, comme un uniforme militaire
ActionLorsque la Grande-Bretagne est ébranlée par un violent coup d'état en l'an 2030, tout est chamboulé pour tout le monde, y compris pour Tessa Kaufmann. Après avoir servi dans l'armée au cours de deux conflits à l'étranger, elle pensait en avoir fini...