7. Rééducation

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Alec

Une fois dans la voiture, l'atmosphère fut tendue. Sans que je m'explique pourquoi, Killian éludait presque toutes mes questions le concernant. Je finis par soupirer d'agacement et il tourna sa tête vers moi.

— Et si on parlait de toi plutôt ? détourna-t-il.

— J'en dis bien plus que toi.

— C'est ce que tu crois ? Parce que je ne sais rien de ta vie, à part que tu es dans l'armée et que tu n'as pas beaucoup de vie sociale.

— Il n'y a que ça à dire sur ma vie. Je n'ai pas d'amis, pas de copine, rien de particulier à raconter.

Il jeta des coups d'œil vers moi à intervalles réguliers sans rien répondre. Le temps s'étira et le silence pesait sur moi comme un poids sur mes épaules.

— Je... commença-t-il avec hésitation. Je voulais m'excuser encore pour ce que j'ai dit tout à l'heure.

Il se gratta l'arrière de la tête en signe de nervosité.

— À quel propos ?

— Je ne voulais pas insinuer que tu ne savais pas t'amuser ou quoi que ce soit... c'est juste que tu...

Il ne finit pas sa phrase, et gigota sur son siège. Je me tournai vers lui, pour lui accorder toute mon attention.

— Je t'ai observé hier soir. Tu parais... différent.

— Ouais, c'est le moins qu'on puisse dire, ricanai-je avec sarcasme.

— C'est à cause de l'armée ? osa demander Killian en serrant ses mains sur le volant.

— En partie, confirmai-je. Certaines choses que tu vois là-bas te changent de l'intérieur, c'est...

Je ne terminais pas ma phrase, ne sachant pas comment expliquer. Aucun mot ne semblait adéquat. Killian pinça les lèvres puis se racla la gorge.

— Je me suis inquiété pour toi mais... si j'ai arrêté de communiquer c'était parce que j'avais dû mal à supporter le changement de vie. Venir ici où je ne connaissais personne, me rendre compte que je ne te reverrais plus...

Sa voix se brisa et une bouffée de tristesse m'envahit.

— J'étais pas assez fort pour tout gérer. Je pensais que si je coupais les ponts, si je t'oubliais vraiment, ce serait plus facile de gérer ton absence.

Cette confession me broya de l'intérieur et en même temps j'en avais besoin. Entendre pourquoi il avait cessé du jour au lendemain de me parler était bénéfique, cela me soulageait de nombreuses questions.

— Je comprends, répondis-je.

— C'était lâche et égoïste de ma part.

— Tout comme c'était lâche et égoïste de fuir dans l'armée.

Je reportai mon regard sur la route, mes pensées déviant vers une perspective qui me hantait depuis des années. Peut-être que... si j'avais attendu un an ou deux, j'aurais pu fuir aux côtés de Killian, à l'étranger. Peut-être que les États-Unis auraient été assez loin pour que mon père me laisse tranquille et renonce à ses projets pour moi. J'étais persuadé que Killian et ses parents m'auraient accueilli, mais je n'étais pas persuadé de la réaction de mon paternel. L'armée était intouchable, c'était ma seule solution sûre.

— Je sais pourquoi tu l'as fait, Alec. Je ne t'en veux plus depuis longtemps.

Peut-être avait-il perçu ma tristesse au milieu de la sienne puisqu'il fit un geste vers moi. Sa main se posa sur ma cuisse en signe de réconfort et serra quelques secondes avant de s'éloigner. Ce contact fit vibrer tout mon corps. D'une façon totalement inédite. Sous le choc, mes muscles se raidirent, appréhendant ou espérant le prochain contact.

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