Alter Ego

8. Souris-moi

Killian

Le voir à moitié nu lors de la rééducation avait déjà été en soi une épreuve pour mes nerfs à fleur de peau, mais le voir totalement nu aux vestiaires m'avait fait perdre la tête. Je m'étais rendu compte d'à quel point Alec était sexy. Et ce n'était pas inhabituel de penser à Alec ainsi, il avait toujours été seulement mon meilleur ami lorsque nous étions jeunes, mais j'avais fini par apprécier son physique.

Ma sexualité était apparue à un âge normal pour les garçons, mais ce fut Alec qui initia la première graine dans ma tête, j'avais dix ans la première fois qu'il s'était ramené chez moi avec un magazine porno. De son côté, il en avait presque douze alors cela paraissait normal pour lui, et même si je n'étais que vaguement intéressé, j'avais commencé à nourrir une sorte de compétition avec Alec.

À partir de cet instant, je devais être à sa hauteur, malgré notre petite différence d'âge. Lorsqu'il eut quinze ans, il décida de perdre sa virginité avec une fille de son école et du haut de mes treize ans, je pensais en être capable aussi. Évidemment, ce ne fut que lors de l'année de mes quatorze ans que je fis l'amour pour la première fois. Alec m'avait congratulé d'une tape dans le dos et cela avait été le début de nos frasques.

Et puis... À dix-huit ans, lors de la soirée de célébration du bac de mon lycée, Alec et moi avions particulièrement bu. Assez pour être vraiment dans un état aspirant toutes pensées rationnelles et nous avons alors expérimenté quelque chose d'inédit et de dingue. Une fille particulièrement entreprenante et ouverte d'esprit nous avait chauffés tous les deux, et nous en avions profité. Tous les trois. Pour la première fois, Alec et moi avions comme qui dirait partagé une fille et l'intimité qui va avec. Nous n'avions eu aucun contact entre nous, mais cette intimité-là nous avait liés d'une manière spéciale.

Pourtant, nous n'en avions jamais reparlé. Ce souvenir avait été comme remisé dans un coin. Peut-être avait-il regretté cette situation, mais de mon côté si j'avais gardé le silence c'était pour une raison très précise. Ce rapprochement m'avait ouvert les yeux sur ma propre sexualité. Le voir nu dans cette situation précise m'avait fait me rendre compte que j'étais autant excité par les filles que les garçons. Je n'avais rien dit, je n'y avais même plus pensé et j'avais juste continué ma vie. Oblitérant complètement cette prise de conscience et cette expérience.

Aujourd'hui, ma bisexualité était claire. Tout comme mon attirance pour Alec.

C'était une situation merdique. Il ne devait pas se rendre compte de mon attirance pour lui, cela risquait de tout gâcher. J'essayais encore de trouver le courage de me confier à propos de mon orientation sexuelle, de mon père et ma déchéance.

Peut-être ce soir, lors de notre sortie, je trouverai ce courage. Ou pas. Cependant, je m'efforcerais de le distraire et de le divertir afin qu'il s'amuse et sourit. Le voir se battre contre la douleur lors de la séance de rééducation m'avait fait comprendre à quel point il avait changé, avec des preuves et non plus de simples suggestions. La balafre rosée sur sa cuisse prouvait la violence de sa vie. Ce qu'il avait vécu semblait bien plus terrible que tout ce que je pourrais imaginer.

En la voyant, j'avais eu un choc. Et en entendant sa courte explication, je compris qu'un monde nous séparait, lui et moi. J'aurais aimé être assez proche de lui à nouveau pour pouvoir le prendre dans mes bras.

Je me tournai vers lui et analysai son visage fermé et tendu. Ses yeux verts balayaient la salle comme la veille au club de plage. Je l'avais amené dans un de mes bars préférés où nous pouvions boire, manger et surtout nous amuser aux fléchettes, à des jeux vidéo et au billard. C'était moins oppressant qu'un club pour danser.