33. Solution

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Alec

— Alec, souffla-t-il.

La voix de Killian redonna un peu de vie à mon corps.

J'avais tellement de choses à dire, mon esprit débordant d'informations et d'émotions. J'eus peur d'être à nouveau aspiré par l'angoisse et me retrouver dans un état partagé entre réalité et souvenir. L'expérience dans le bureau du Colonel avait été effrayante et j'avais pris conscience que j'avais besoin d'aide. C'était grave. Mon état psychologique ne pouvait pas simplement être ignoré.

La respiration saccadée de Killian résonna à travers le téléphone et je me recentrais.

— Je... je suis désolé de ne pas avoir appelé avant.

— Ça fait une semaine, dit-il avec une pointe de colère. J'ai cru...

Il ne finit pas sa phrase, mais le ton brisé que je perçus ensuite me fendit le coeur.

— J'ai dû séjourner à la base militaire et j'avais oublié mon chargeur. J'ai été un peu... j'étais dans un état mental particulier. Je suis désolé, m'excusai-je encore.

— J'ai paniqué, chuchota-t-il comme s'il n'était pas sûr de vouloir dire une chose pareille.

— Paniqué ? répétai-je, inquiet.

Seuls le silence et son souffle me répondirent et avant que je ne demande plus d'informations, il reprit :

— J'ai cru qu'avec la distance, tu avais décidé d'imposer un silence entre nous pour... je ne sais pas mais...

— Tu as pensé que nous referions les mêmes erreurs, compris-je. Que nous couperions les ponts pour supporter plus facilement la distance.

— Oui.

— Ce ne sera pas le cas, promis-je. J'avais simplement tellement de choses à gérer et... l'anxiété constante que je ressentais m'a plongé dans un état d'esprit où rien ne comptait à part ce que j'avais à faire jusqu'au verdict.

Le bruissement de tissus m'indiqua que Killian bougeait. Je fermai les yeux, essayant de me le représenter. D'être proche de lui d'une façon ou d'une autre.

— Tu es où ? demandai-je subitement.

— Chez Steve, dit-il après une courte hésitation.

Cette réponse n'aurait pas dû me faire autant mal, pourtant la jalousie revint me piquer les nerfs. D'autant plus que je ne pus visualiser l'appartement de Steve, n'y étant jamais allé. Je rouvris donc les yeux, déçu et le coeur lourd de comprendre que ce serait ainsi durant la prochaine année.

— Tu n'as pas reçu mon message à propos de mon père ? demanda Killian certainement pour ne pas laisser un malaise s'installer.

— À vrai dire, dès que mon téléphone s'est allumé, je t'ai appelé. Je n'ai pas fait attention aux appels et textos manqués. Tu es allé le voir alors ?

— Ouais, j'ai tenu ma promesse.

L'amertume était claire, cela ne s'était pas bien passé. Je soupirai discrètement, le coeur serré pour lui. J'avais du mal à concilier l'image que j'avais de Richard souriant, nous amenant faire du golf ou du tennis, avec le Richard homophobe qui reniait son fils pour un motif indépendant de toute volonté.

— Raconte-moi, quémandai-je doucement.

Killian inspira fort, son expiration provoquant des grésillements au téléphone. Lorsqu'il commença à parler, sa voix se chargea de trémolos, mais il resta constant dans son récit, sans pleurer. Ou du moins sans sanglots. Peut-être y avait-il des larmes sur ses joues que je ne voyais pas. Je ne pouvais pas les essuyer, ni le prendre dans mes bras.

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