Prologue

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La lune était haute dans le ciel quand le massacre eut lieu. Arpentant les allées et les couloirs du palais, les membres de la garde de nuit remarquèrent à peine les deux ombres masquées qui s'étaient glissées à leurs côtés. Pour eux, ils ne s'agissaient que des habituels mouvements de chandelles allumées dans le château, visant à réchauffer cette froide nuit de décembre. Ils ne remarquèrent également pas que ,deux de leurs membres n'avaient jamais passé leurs gardes ensemble, ni même combattus à leurs côtés. Ce n'est que lorsque l'un deux commença à égorger un à un leurs compagnons, qu'ils comprirent que ces ombres n'étaient pas des leurs. Mais il était trop tard.

Les deux assaillants, une fois s'être débarrassés du groupe auquel ils s'étaient greffés, ne prirent même pas le soin de camoufler les corps. Leur temps était compté. Ils franchirent alors une porte, qui menait à l'escalier de la tour ouest, gravissant les marches deux par deux sans même se retourner. Une fois arrivés en haut, les deux hommes encapuchonnés, tuèrent également la vigie, qui ne put sonner l'alerte. Sans perdre une seule second, l'un d'eux alluma la torche et embrasa le brasero.

Le signal venait d'être lancé.

A quelques kilomètres, tapis dans le noir tandis que tous les habitants du palais dormaient dans la plus grande tranquillité, l'assaut fut lancé. Une lignée d'archers tendirent leurs arcs et envoyèrent une nuée de flèches ardentes dans l'enceinte du bâtiment. Les autres soldats, eux , enclenchèrent au pas leur offensive.

Les deux fantômes profitèrent alors de cette diversion, pour se diriger vers la Grande Grille. Malgré les cris, malgré les tentatives pour les arrêter, malgré les hordes de soldats qui s'élançaient sur eux, ils n'eurent aucun mal à la lever.

La voie était maintenant ouverte.

Et, bien que les deux hommes furent abattus dans le dos par leurs ennemis, cela ne leur importait guère. Ils mourraient pour la Cause. Si eux n'y survivaient pas, leur armée prendrait leur relais.

Ce fut immédiatement le cas. Sans crier garde, des dizaines d'hommes vêtus et encapuchonnés en noir, prirent le palais de Placedor. Tous à pied, sauf un. Sur le dos de son cheval, l'homme à la cicatrice jaugeait la situation. Son deuxième œil, bleu électrique, passait au crible tout ce qui se déroulait en cet instant. Dès qu'il entra dans la cour, les membres de son escouade s'écartèrent pour le laisser passer. Il leva alors sa main et pointa du doigt le bâtiment principal qui se dressait face à eux. Sans avoir besoin de prononcer le moindre mot, chacun savait alors ce qu'il avait à faire.

Le chaos se déchaina en cet pâle nuit d'hiver, d'ordinaire si calme. Les cris des hommes qui tombaient au combat occupèrent l'atmosphère, au même titre que ceux des femmes et des enfants, qui n'échappèrent aux mains de leurs attaquants. Le sol du palais mit seulement une heure à se teinter entièrement du sang de ses habitants. Aucun n'avait été épargné, peu importait, son genre, son âge ou même sa condition.

Mais à travers ce massacre, l'homme à la cicatrice, le sourire aux lèvres, cherchait un visage en particulier parmi les monticules de cadavres. Ce qu'il ne mit pas longtemps à trouver. Au milieu de ces figures, figés par la peur, l'une d'elle bougeait encore et se crispait à chaque mouvement qu'elle tentait de faire.

Il descendit de sa monture et s'accroupit près d'elle. La femme tourna la tête dans sa direction appuyant de sa main droite, sur la plaie béante qui saignait le long de son abdomen. Son regard d'acier accrocha le sien. Elle luttait. Elle ne lui restait que quelques minutes, si ce n'est quelques secondes avant d'être rappelé auprès de la Mort.

Il prit sa main et la dégagea de sa blessure. Elle tenta de s'y opposer, mais ses forces semblaient la quitter petit à petit.

- Sale monstre, réussit-elle à dire entre eux deux gémissements.

- Je t'avais dit que je réussirais à reprendre ce qui m'appartient.

Un léger sourire se dessina alors sur son visage crispé. Dans un dernier élan vain, la main rouge et poisseuse de la femme s'agrippa à son cou et l'attira près d'elle.

- Je n'en suis pas si sure.

Soudain, un des assaillants vint aux côtés de l'homme, complètement essoufflé.

- Général, elle n'est pas là. Nous l'avons cherché partout. La fille reste introuvable.

Une rage profonde et carnassière s'empara de l'homme. Il dégaina une dague et et appuya du bout de son arme sur la plaie de sa victime. Un cri vif déchira le silence.

- Ou est-elle ? hurla t-il.

Elle ne lui répondit pas, plantant toujours son regard dans le sien. Il enfonça alors plus profondément la lame dans sa chair, sentant chaque appui, chaque déchirure qu'il lui causait. Elle saigna plus abondamment, au point qu'elle émit un second cri, plus puissant que le précédent.

- Jamais, tu m'entends, jamais tu ne l'auras, hurla t-elle à son tour entre deux souffles saccadées.

Les yeux de l'hommes s'embrasèrent de colère.

Il plongea d'un coup sec sa dague. L'instant d'après, la femme ne respirait plus. 

L'héritière de l'ombreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant