Chapitre 14

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Sans émettre le moindre mot, les deux jeunes filles s'accordèrent pour suivre les marins, toujours prisonniers de la mélodie. Au fur et à mesure de leur marche, Nova se rendit compte qu'elles s'enfonçaient, jusqu'à atteindre le cœur de l'île. En effet les arbres qui, jusque là, étaient distants les uns des autres, n'hésitaient plus à s'entremêler, ne laissant  aucune lumière se glisser entre leurs branches. Les chemins de terre avaient laissé place à une armée de ronces qui ne manquaient aucune occasion de leur entailler les mollets ou de s'accrocher au jupon de la Voyageuse. Par ailleurs, Nova avait du aider Carmen plus d'une fois  à se débarrasser des épines, pour éviter de perdre de vue l'équipage du Red Swan. Ils entamaient une marche rapide et sans arrêt. Alors que d'ordinaire certains membres éprouvaient des difficultés physique, rien ne semblait les retenir depuis que les voix avaient entamé leur mélodie. C'était comme s'ils n'étaient plus maitres de leurs corps, que leurs envies étaient guidés par l'attirante symphonie. 

 Ce n'est qu'au bout d'une heure que les hommes se stoppèrent. Face à eux se dressait une arche en pierre jonchés de fleurs en tout genre, de toutes les couleurs possibles et inimaginables. Des magnifiques, des fanées, des jeunes pousses s'étendaient de droit à gauche. Deux colonnes fendus par le temps faisait office de garde. Mais hormis ces deux éléments révélant la présence d'une forme de vie doué d'intelligence, la nature semblait s'être écarté, formant un demi cercle de terre délimitant la zone. Une zone ù la forêt avait arrêté son expansion. Aucune végétation n'entravait ce demi cercle. Il était inaccessible. 

Les hommes attendaient bien sagement face à l'arche, dans l'harmonie la plus parfaite. Aucun débordement, aucun déséquilibre ne venait perturber l'ordre qui s'était établi entre eux. Une file parfaite et linéaire demeurant patiemment. 

Cachés dans des buissons, les plus proches et les plus touffus qu'elles avaient pu trouver, Nova et Carmen observaient la scène. Rien ne se passait. Ils étaient stoïques. On pouvait à  peine distinguer les va et vient de leur respiration, seul signe vie encore notoire. Tout à coup, les voix cessèrent de chanter et un silence mortuaire s'installa. Il s'écoula quelques secondes puis apparurent en dessous de l'arche deux silhouettes. Elles s'étaient manifestées en un éclair, sortie de nulle part. Nova plissa les yeux afin de mieux les distinguer et Carmen en fit tout autant. 

Il s'agissait de deux jeunes femmes. Mais pas n'importe lesquelles. Elles semblaient irréelles. Toutes deux avaient une peau nacrée immaculée, de long cheveux blonds platines ainsi qu'une bouche pulpeuse, que n'importe qui aurait voulu croquer. Le seul détail qui permettait de les différencier était leurs yeux. L'une avait un regard jaune félin, tandis que la seconde possédait des billes mauves en guise d'iris. Tout semblait être parfaitement emboîté pour hypnotiser, séduire quiconque porterait son attention sur elles. 

Nova et Carmen étaient toutes aussi captivées par ces deux irréelles, presque autant que les hommes, à la différence qu'elles, restaient encore maîtresses de leurs faits et gestes.

- Tu penses que c'étaient elles, les voix ? questionna Carmen 

- Y'a de fortes chance, affirma Nova tout en ne quittant pas des yeux la scène

- Bon sang, je tuerais pour avoir une voix pareille. Tu imagines tout l'argent qu'on se ferait si je chantais comme ça en représentation. 

- Baisse toi, dit-elle en appuyant sur la tête de Carmen. 

La jeune Voyageuse s'exécuta. Nova posa un doigt sur sa bouche pour faire comprendre à Carmen que le moindre bruit pourrait leur nuire.

Les deux femmes ne remarquèrent pas la présence de Nova et Carmen derrière le buisson et se dirigèrent instinctivement vers la file de marins qui se tenaient au garde à vous. Celle que Nova surnomma mécaniquement la Féline s'approcha du marin en tête de liste qui n'était autre que le capitaine Mulligan. Lui qui d'habitude était toujours alerte, ne broncha pas lorsque la Féline passa ses mains sur son visage. Elle prit bien le temps d'observer les traits du jeune homme dans les moindres détails et libéra sa main  Puis elle passa à un autre, au suivant et fit de même avec le reste de la troupe. 

L'héritière de l'ombreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant