L'héritière de l'ombre

Chapitre 11

Nova lâcha instantanément la corde et se mit à courir à travers le brouillard.

- Non Jasper, reste là, s'écria Mulligan

Nova n'en eut que faire et s'élança à gauche, puis à droite. Sa vision ,réduite, ne lui permettait pas d'être aussi rapide qu'elle le voulait.

- Carmen ? Carmen ? , réponds moi je t'en supplie !

Aucun bruit. La panique s'empara encore plus de Nova. Si ce que disait le Capitaine était vrai, alors Carmen courait un grave danger. Il fallait qu'on l'en empêche. Il était hors de question qu'elle la perde. Pas elle. Carmen représentait l'être le plus cher aux yeux de la jeune fille. Elle était son ancre, son phare qui lui permettait de ne pas s'égarer dans une vie misérable. Les larmes montèrent aux yeux de Nova. La simple pensée effleurant l'idée de renoncer à Carmen dans sa vie lui fit un trou béant dans le cœur.

- Paco, reviens !

Carmen s'était remise à parler. Dieux merci. Nova se dirigea vers ce qu'elle pensait être la position de Carmen au vue du son qu'elle venait de prononcer. Mais lorsqu'elle y arriva , Carmen n'y était plus. Les larmes qui jusque là étaient restées aux creux de ses yeux, perlèrent le long de ses joues. Nova cligna rapidement afin de libérer sa vision. Ce n'était pas en pleurant qu'elle allait défendre Carmen de faire quoique ce soit d'irréversible. En ce moment même, ses émotions prenaient le pas sur le sang froid dont elle faisait preuve d'ordinaire. Se laisser envahir par sa sensibilité ne lui ressemblait aucunement. C'était une jeune fille plutôt rationnelle dans ses prises de décisions, même en cas de danger imminent. Elle savait garder la tête sur les épaules, ce qui lui avait valu de sortir de maintes situations. Ce qui n'était pas le cas de Carmen. En effet son impulsivité allié à su sang chaud avait rapidement compensé avec le pragmatisme de Nova.. C'était comme cela qu'elles fonctionnaient. Deux jeunes filles, diamétralement opposé l'une de l'autre,mais se révélant particulièrement complémentaires.

- Mais Paco, qu'est ce que tu fais sur le Red Swan ?

C'était Carmen qui venait d'interpeller une fois encore ce qu'elle pensait être Paco. Nova ne se fit pas prier et fonça encore une fois à l'aveugle. Guidée par son instinct , elle finit par se retrouver devant la rambarde, sécurisant les marins d'une éventuelle chute à la mer. A cause de la tempête cette dernière était complètement éventrée. On pouvait facilement y discerner un profond trou, permettant à celui qui souhaitait sauter par dessus bord, de rendre son désir réalité.

La jeune voyageuse se tenait face à la mer. Elle avait le bras tendu et pointait l'horizon de son doigt. Étant dos à Nova, cette dernière ne pouvait lire la terreur et l'incompréhension qui avait pris place sur le visage de Carmen. Elle venait de voir un des membres de la Communauté traverser le Red Swan. Son fort intérieur criait que cela était impossible. Le navire se trouvait au beau milieu d'un tempête, quelque part ou personne n'avait pu s'aventurer. Mais un pincement au cœur faisait alterner la balance entre ce qu'elle croyait voir ou ce qui semblait relever du réel. Elle avait à peine eu le temps d'écouter le début de l'explication du Capitaine Mulligan, que Paco était apparue devant elle. Tout le décor l'entourant s'était évaporé. Ses yeux étaient rivés sur Paco. Seulement Paco. Plus rien autour d'elle n'avait d'importance si ce n'est sa silhouette qui se tenait à quelques mètres d'elle. Elle avait d'abord cru que son esprit lui jouait des tours. Mais ce qu'elle pensait être une farce émise par sa conscience s'était révélé être plus que convaincante. Ce qui lui avait glacé le sang notamment par la façon dont il avait prononcé son prénom.

- Carmen.

Cela ne pouvait être que Paco. Celui avec qui elle avait passé toute son enfance. Il avait toujours la même façon de rouler les r. Ce petit accent était comme un signe d'appartenance à la Communauté des Voyageurs, une façon de se reconnaître entre eux. Mais ce n'était pas la seule ressemblance qui aurait pu indiquer qu'il s'agissait de Paco. Il se dégageait tout autour de lui cette fragrance musqué mélangé aux différentes épices que les vielles femmes des différentes familles avaient l'habitude de cuisiner toute la journée. Tout semblait ramener Carmen à ses origines. Elle ferma les yeux l'espace d'un instant, se revoyant arpenter les différentes villes et régions accompagné par la Communauté. C'est en se retrouvant dans le noir complet qu'elle se rendit compte qu'ils leur manquaient terriblement. Ces quelques instants dans l'obscurité l'apaisèrent. Elle souffla, puis revint à la réalité.