Chapitre 1

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Le sol de la forêt, couvert d'un tapis de feuilles mortes et de brindilles, gémissait sous ses bottes. Le jeune aventurier s'élançait à travers les hêtraies ne cessant de regarder par-dessus son épaule et tentant d'esquiver les pièges épineux que lui tendaient les arbres et leurs racines tortueuses.

Son visage était déjà égratigné de partout, maquillé de sang et partiellement sali d'un mélange de terre et de résine. Dans ces bois malfamés, le chevalier reconverti en mercenaire avait déjà trébuché maintes et maintes fois sur les infâmes ronces et autres racines qui se dissimulaient tantôt derrière un gros champignon, tantôt à l'ombre de petits rochers couverts de mousse.

Sa maladresse légendaire ne l'avait décidément pas quitté et cette dernière pourrait bien lui porter préjudice si, après une énième chute, ces maudits Kobolds parvenaient à le rattraper. Il les entendait se bousculer dans son dos dans un orchestre terrible de jurons et de grognements, devinant que ces immondes créatures n'avaient pas goûté à la chair humaine depuis fort longtemps.

L'homme devenu proie laissa échapper un soupir d'agacement lorsqu'il se retrouva devant un ruisseau et inspira brièvement avant de tenter de sauter par-dessus son lit en un bond. Sa bouche libéra un flot d'injures lorsque sa botte glissa sur la berge opposée et qu'il se sentit tomber les pieds dans l'eau.

Il s'en fallu de peu pour qu'une lance jetée dans sa direction ne manque de l'empaler. Le projectile s'en alla choir dans l'herbe mousseuse un peu plus loin et le jeune homme se résigna à porter sa main à la garde de son épée pour dégainer cette dernière.

Un premier Kobold émergea des buissons et agitant son gourdin au-dessus de sa tête dans un concert de cris gutturaux. Une grimace se dessina sur le visage de l'aventurier malchanceux qui fit un pas en arrière lorsque l'infâme créature à la peau verte et vêtue de haillons se jeta à son tour dans le ruisseau pour affronter cet humain beaucoup trop téméraire qui avait osé s'aventurer sur leur territoire.

L'humanoïde au nez aussi crochu que celui d'une sorcière et à la taille ridicule – il ne devait pas dépasser un mètre – se jeta alors sur le jeune brun qui encaissa un premier coup de massue dans le ventre. L'aventurier sentit l'entièreté de son souffle quitter ses poumons et se plia en deux, remerciant les Dieux de ne pas s'être empiffré quelques heures plutôt.

La créature s'apprêta à frapper cette fois sur le crâne de sa victime mais celle-ci, dans un sursaut de célérité, la bouscula de façon à la faire trébucher sur l'une des nombreuses pierres glissantes du cours d'eau. Le Kobold s'étala alors avec fracas dans le ruisseau en lançant de blasphématoires jurons à cet humain qui avait osé le maltraiter de la sorte. L'intéressé s'empressa de quitter l'endroit sans demander son reste, entendant déjà d'autres de ces humanoïdes stupides et grotesques arriver.

Il reprit alors sa course avec cette désagréable sensation qu'était celle d'avoir les pieds mouillés. Ses bottes émettaient de pathétiques « floutch » au fil de sa course. Pestant de plus belle contre ces horribles créatures des bois, il osa de nouveau un œil par-dessus son épaule. Si certains Kobolds s'étaient arrêtés pour prêter assistance à leur camarade, d'autres continuaient de le poursuivre comme un vulgaire gibier.

Cette course forestière sous un soleil qui menaçait de se cacher derrière l'horizon, comme pour lui aussi se soustraire à l'appétit insatiable des Kobolds, rappelait au malheureux fuyard ces jeux dans les bois auxquels il s'adonnait lorsqu'il était enfant, vingt ans plus tôt.

À sept ans, son seul souci n'était alors de ne pas perdre l'une ou l'autre partie de cache-cache dans les forêts résineuses de Disbourg, son village natal. Ici, il ne s'agissait non pas de perdre un « jeu » mais tout simplement de ne pas perdre la vie.

L'Alchimie des LégendesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant