Chapitre 26

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 Allongé sur sa précieuse litière scintillante, Solarion, le dragon aux cornes d'or, émergeait lentement de son sommeil. Ses vieilles paupières s'ouvrirent, révélant des yeux rouges habités par le vice et la cupidité. La créature se releva doucement en baillant sans modération. Un soupir s'échappa ensuite de sa gueule infâme et il prit un moment pour considérer à nouveau la belle caverne qui lui servait de repaire depuis un millénaire.

Tout autour de lui étaient étalés pièces d'or, diamants et autres bijoux. Autant de trésors qu'il avait accumulés au fil des siècles. Nombreux avaient été les navires marchands et les bateaux de pirates à être venus s'échouer sur cette île ensoleillée peuplée de fées tribales. Un territoire dont il s'était fait le maître incontesté.

La bête étira ses ailes et s'avança dans la caverne en reniflant bruyamment. Quelque chose avait perturbé son sommeil. Il avait entendu des bruits de pas au loin. Et en effet, ses narines détectaient l'odeur d'un intrus. Celle d'un humain. Ainsi, l'un de ces petits êtres orgueilleux avait osé s'aventurer dans son repaire ? Un sourire étira sa bouche sans lèvre. En mille ans de tyrannie, c'était une première. Il s'agissait sans doute de cet « émissaire » que ces grotesques fées tribales avaient annoncé. Leurs superstitions étaient des plus amusantes.

Le dragon albinos, au corps sans écaille, enjamba un monticule de joyaux et laissa son regard scruter chaque recoin de sa caverne. Un râle sourd s'échappa de ses mâchoires aux dents sales et il s'exclama :

- Le larbin de Fubilane est venu me rendre visite. Ce n'est pas trop tôt... Je m'attendais à ta venue.

La silhouette d'un homme aux cheveux bruns et bouclés s'avança alors lui. Alexandre avait attendu ce moment depuis plusieurs semaines. Depuis qu'il avait enterré Lionel Belledague. Celui que les fées tribales nommaient l'émissaire se dressa devant le dragon et le pointa de sa rapière :

- Je suis avant tout le maître légitime de la Compagnie des Épices, siffla-t-il. Et je suis venu te faire payer pour tes crimes.

Le dragon arqua un œil, manifestement surpris.

- Le maître de la Compagnie des Épices en personne, ricana-t-il. Voyez-vous cela ? Tu sembles surtout être le maître de la modestie...

Alexandre faisait en effet peine à voir avec sa modeste tenue, ses cheveux aussi sales que décoiffés et sa barbe déjà fournie qui n'avait plus rien à voir avec son habituel bouc bien taillé.

- Ah ! Vous vous y connaissez fort bien en modestie, railla le jeune homme.

De son épée, il désigna les richesses de Solarion.

- C'est un beau trésor, continua-t-il. Mais indigne d'un dragon. Ceux de votre race semblent plus rigoureux pour amasser l'or. D'ailleurs, vous apparaissez bien chétifs, pour l'un des leurs.

Un grognement contrarié émana de la gorge de Solarion. Alexandre esquissa un sourire provocateur. Il n'ignorait pas que l'ego des dragons était fragile. Très fragile.

- Misérable vermine, grinça la créature. Je vais te montrer qui est le plus chétif de nous deux !

Solarion se tourna brusquement et utilisa sa queue pour tenter de balayer Alexandre. Le jeune homme se jeta à temps sur le sol et gloussa :

- Prévisible, mon cher Solarion ! Trop prévisible !

Irrité, le dragon chargea vers son adversaire un peu trop prétentieux. Alexandre se précipita pour se relever d'un bond et entailla la joue de la créature. Courroucée et blessée, celle-ci émit une longue plainte sifflante.

- Un « dragon » sans écaille. On aura tout vu, décidément.

Solarion siffla de colère, observant son propre sang couler sur le sol. Cela faisait des siècles qu'il n'avait pas saigné. Et ce prétendu seigneur de la Compagnie des Épices venait dans son propre repaire pour le provoquer et le malmener ? Un humain, de surcroît ! Le reptile monstrueux émit un rugissement terrible et cracha vers l'arrogant bonhomme des torrents de flammes.

L'Alchimie des LégendesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant