Chapitre 29

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Un épais manteau de brume enveloppait la capitale impériale. Il n'était point aisé de détailler clairement les nombreuses silhouettes qui arpentaient ses rues et ses avenues. Transportées par le vent, les fumées ténébreuses des nombreuses forges de la ville venaient s'ajouter à ce brouillard oppressant.

Pour beaucoup, Londragon était la « cité sans soleil ». Depuis trois décennies maintenant, l'industrie de l'Empire travaillait d'arrache-pied à créer des légions innombrables de Silenciaires. Les ateliers de l'Estotiland ne semblaient jamais s'arrêter. De jour comme de nuit, le chant sinistre de l'ouvrage et du métal se faisait entendre dans toute la métropole. Un vacarme permanent additionné au brouhaha continu des forains et autres camelots qui vagabondaient dans la ville. Les citoyens de la capitale avaient fini par s'habituer à cette odeur de métal qui flottait constamment dans l'air.

Installé sur un cheval à la robe aussi sombre que la nuit, le Chevalier Noir s'avançait vers le palais impérial. Les sabots de sa monture résonnaient froidement contre les pavés de l'avenue qu'il arpentait. Une avenue sur laquelle circulaient de nombreuses charrettes. Sur ces dernières étaient entassés de lugubres cercueils. Tirées par des chevaux faméliques, elles dégageaient quelque chose de macabre et de sinistre. Un spectacle morbide qui, pourtant, faisait partie du quotidien des habitants. Il en avait toujours été ainsi depuis que Mordred était devenu influent au sein de l'Empire.

Chaque jour, d'innombrables dépouilles étaient continuellement acheminées vers les fonderies de la ville pour ensuite y être incinérées dans un feu qui ne semblait jamais s'arrêter. Le Chevalier Noir se doutait bien que derrière la création des armures enchantées se cachait quelque chose de morbide. Il n'était pas dupe : Mordred possédait des affinités certaines avec la magie. Une magie puissante.

Lorsque le Chevalier Noir passa les portes du Palais, quelques valets s'empressèrent de lui ôter sa cape et d'emmener son cheval aux écuries. Il sentit quelques regards inquiets et anxieux se poser sur sa silhouette massive et imposante. Le mystérieux soldat inspirait souvent ce sentiment de crainte auprès des serviteurs, bureaucrates et autres nobliaux qui grouillaient dans ce château.

Le guerrier à l'armure de ténèbres se dirigea d'un pas lourd vers la salle du trône. Chacun de ses mouvements, chacun de ses gestes, était toujours accompagné de petits bruits froids et métalliques qui provenaient de son armure.

Lorsqu'il arriva enfin devant l'impératrice, il s'inclina légèrement. La suzeraine, affalée sur son trône, le regard vide, l'invita à parler d'un faible geste de la main. Le Chevalier Noir se redressa et considéra un instant celle qui régnait sur l'Estotiland. Elizabeth III avait les allures d'un être presque décharné au teint maladif. Sa peau était aussi pâle qu'une lune hivernale et ses cheveux roux entouraient ses joues creuses dans un désordre grotesque.

- Ce sont de sombres nouvelles que je viens vous apporter, Altesse, commença le Chevalier Noir.

L'impératrice se caressa le menton, perdue dans ses pensées et, d'un signe de la tête, invita le militaire à continuer.

- La quatrième légion a été anéantie. Les troupes de la Fée Morgane ont terrassés les Silenciaires de Calixte de Saxemberg-Groclant.

- A-t-il survécu ? demanda Elizabeth dans un murmure qui évoquait un souffle automnal passant entre des tombes.

- Hélas, il est mort au combat. L'Estotiland a perdu l'un de ses meilleurs éléments.

Un silence pesant s'installa dans la salle. L'impératrice se mordit la lèvre inférieure et se leva doucement de son trône. Le Chevalier Noir nota combien elle était chancelante. À n'en pas douter, son état de santé ne s'améliorait guère. Les yeux d'Elizabeth presque clos et entourés de cernes, paraissaient embrumés par une mélancolie maladive et imprégnés d'une tristesse éternelle.

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