Chapitre 18

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Le chant de l'eau berçait ses oreilles. Une odeur maritime et salée lui titillait les narines. Il pouvait entendre de lointaines mouettes ricaner au loin. Lorsqu'il entrouvrit les yeux, le chevalier errant cru apercevoir des étendues infinies d'eau. Pitoyablement allongé sur la berge d'un estuaire, le jeune homme peinait à reprendre ses esprits. Son visage tuméfié et marqué de toutes parts par des traces de cicatrices laissait deviner quels rudes combats il avait été amené à endurer. Depuis les falaises qui l'entouraient, des corbeaux l'observaient avec appétit. À s'y méprendre, l'homme qui se trouvait étalé au bord du fleuve se jetant dans la mer ressemblait plus à un cadavre qu'à un guerrier.

Dépouillé, faible et meurtri, il faisait peine à voir. Les doigts de ses mains sales bougeaient lentement. De temps à autre, un frisson le secouait. Geoffroy grimaça. Par les Dieux, qu'il faisait froid. Le vent impitoyable des côtes jetait sur son dos couverts de bleus une brise des plus glaciales. Sa vision était encore floue. Et pourtant, il reconnu la silhouette d'un charognard affamé sautiller vers lui. Un petit corvidé aux plumes noires qui ne manqua pas de lui évoquer ce terrible Nycticorax qu'il avait eu à affronter. Le seul fait de repenser à cet être le fit frémir. À présent, il ressassait dans son esprit à peine éveillé les évènements de cette nuit durant laquelle ce « Momo », qui n'était finalement rien d'autre que l'archichancelier impérial Mordred en personne, s'était moqué de lui.

Un grognement sourd s'échappa de sa bouche encombrée. Geoffroy s'en voulait terriblement d'avoir été ainsi dupé. Ce scélérat de l'Empire avait eu besoin d'un dragon pour capturer une princesse bien trop précieuse et coquette. Avec cet enlèvement, Mordred avait trouvé un moyen d'endosser le rôle du noble chevalier blanc venant libérer une demoiselle en détresse. Quelle triste mascarade. À présent, le dragon, qui n'était plus qu'un garçon agonisant sur le bord de la mer, tentait de se relever, en vain. Ses muscles lui obéissaient à peine.

Quel désarroi. Maintenant qu'il avait occupé le rôle que le perfide Mordred avait attendu de lui, il se retrouvait là, échoué au milieu de nulle part, abandonné tel un encombrant dans un fleuve et offert en charogne aux corbeaux. Ceux qui l'observaient n'attendaient d'ailleurs qu'une seul chose : qu'il rende son dernier soupir. Il n'en était pas loin. Depuis des mois et des mois, le jeune chevalier errant n'avait été animé que par son désir de retrouver Naménielle. Cet infâme Mordred lui avait offert un petit espoir de la retrouver. Une ruse ignoble. Et pourtant, l'aventurier se reprochait intérieurement d'avoir été si naïf. Sans doute les Dieux le punissaient-ils pour pareille sottise qui n'était nullement digne d'un gentilhomme qui avait autrefois eut l'honneur de servir la Couronne. Capturer une innocente dans l'intention d'en retrouver une autre. En y repensant, cela était d'une indignité sans nom !

À présent, plus personne ne viendrait l'aider. Ni Astrarion, ni Hydrion, ni Dendria. Le jeune homme se sentait si lamentable qu'il n'osait même plus adresser de prières à la Déesse féerique de la Terre. Peut-être était-ce là sa pitoyable destinée : mourir anonymement sur un plage avant d'être béqueté par quelques charognards disgracieux. La mer viendrait ensuite avaler son squelette et quelques-uns de ses ossements iraient dormir avec les épaves des l'océan.

- Vous voulez tout laisser couler, jeune écuyer ? fit une voix familière qui venait de le sortir de ses pensées funestes.

Le jeune homme secoua doucement la tête et se redressa difficilement. Il pouvait entendre des bruits de sabots se rapprocher. Il pensa un instant qu'il hallucinait. Bayard, le cheval-fée, se trouvait devant lui. Il reconnu ses teintes rouges-brunes et son regard vif. Une boule se forma dans sa gorge. Le fier destrier était bel et bien présent, en chair en et os. Le jeune homme devint encore plus blême lorsqu'il aperçu que cet étalon légendaire était monté par un « homme » qui paraissait irréel mais dont les traits ne lui était pas inconnus : Maugis.

L'Alchimie des LégendesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant