Chapitre 19

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 Geoffroy avait longuement considéré les hautes portes qui de dressaient devant lui. Encastrées dans le mur d'enceinte, elles semblaient faites d'acier et étaient recouvertes de scintillants motifs en or représentant ce qui semblaient être des créatures féeriques. Sur les sommets des deux tours de guet qui les entouraient flottaient de longues bannières mauves. Des fortifications sans garde. Il n'y avait nul gardien pour annoncer sa venue ou signaler sa présence en soufflant dans un cor. Tout était étrangement calme et silencieux. Seules quelques colombes et autres pigeons l'observaient avec curiosité depuis le haut des remparts. Une vision plus agréable que celle d'opportunistes corbeaux, se dit-il.

Le jeune homme inspira longuement, agréablement surpris par l'air pur et parfumé qui s'engouffrait dans ses narines. Une odeur plaisante qui ne manqua pas de lui rappeler celle de la roseraie royale dans laquelle, bien des années plus tôt, il se plaisait à rester des heures en compagnie de Naménielle. Le chevalier errant nota par ailleurs que, devant ces fortifications extraordinaires, ne se tenait nul marchand ni aucun forain. Mieux, encore, l'endroit était désert de tout manant. Pas un seul mendiant ou saltimbanque à l'horizon. Ce seul constat le rendit moins anxieux. Sans miséreux à son entrée, une place forte paraissait très vite plus propre.

Puis, soudain, il se pinça les lèvres en réalisant l'horrible vérité : n'était-il pas le seul et unique misérable sur place ? Couvert de bleus, d'hématomes et de tâches de cendres, il faisait bien peine à voir. Pis, enveloppé dans son seul et misérable manteau – qui n'était même pas le sien – il inspirait une triste image. Celle d'un mendiant, en réalité. Il n'avait même pas de quoi payer un portier...

Sans trop y croire, il tendit la fleur qui lui avait été offerte par Elegast devant lui. Il patienta quelques secondes. Rien ne se produisit. Dans son dos, Bayard émit un petit hennissement amusé. Même le cheval-fée semblait se moquer de lui. Dépité, le jeune homme jeta la fleur devant les portes et soupira :

- Cet Elegast doit être en train de rire aux éclats, en ce moment. Comme si un lieu aussi pure et aussi magnifique allait accepter un vagabond tel que moi.

L'aventurier tourna les talons, résigné tandis que, dans son dos, les pétales de la fleur magique s'évaporaient en petits flocons dorés. Portés par le vent, ils s'en allèrent s'écraser en douceur sur les effigies gravées dans les portes. Un bourdonnement étrange se fit alors entendre. Geoffroy arqua un sourcil et regarda par dessus son épaule. Les portes, animées par une magie qu'il ne connaissait pas, s'ouvraient lentement d'elles-mêmes, révélant une petite avenue aux pavés immaculés recouverts de pétales colorés. Sans doute venaient-ils des cerisiers utopiens qui se trouvaient disposés au bord de la route. Il s'agissait d'arbres dont la hauteur atteignait les six mètres. Sur leurs branches se trouvaient d'innombrables boutons rouge-carmin développés en bouquets de grandes fleurs roses. De splendides branches qui caressaient les façades des quelques bâtiments de marbre qui entouraient la belle allée.

D'un pas hésitant, le jeune homme s'avança sur cette dernière, suivi par Bayard. Il remarqua que plusieurs êtres sveltes et ailés l'observaient. Des fées et des fétauds qui ne semblaient nullement perturbés par l'arrivée de l'inconnu qu'il était. Tout en continuant de marcher lentement, le brun considérait les merveilleuses créatures qui peuplaient cet endroit envoûtant. Autant de personnes minces et élancées, aux traits enfantins et aux longues oreilles pointues.

- Messire ?

Une fée aux longs cheveux châtains et coiffée d'un fin serre-tête, venait de s'avancer vers Geoffroy.

- Vous avez l'air affamé et assoiffé, continua-t-elle. Voudriez-vous boire un peu ?

- Hum... je n'ai pas de quoi vous payer, fit le jeune homme avec embarras.

L'Alchimie des LégendesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant