Chapitre 20

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Londragon, la capitale impériale, à l'exception de quelques grandes avenues, était un véritable labyrinthe de rues sinueuses et étroites. Un entassement de maisons à trois étages. Si la majorité d'entre-elles étaient faites de torchis, d'argile et de bois, quelques-unes, celles des plus fortunés, étaient en pierres. Dans ce dédale bruyant et assombri par les fumées des forges, se mélangeaient camelots et ouvriers. Quelques ivrognes et autres filles de joies erraient également dans les ruelles les plus crasseuses de la ville, souvent à proximité des quais. Sur ces derniers, des voyageurs de toutes les contrées se plaisaient à faire amarrer dans la ville des navires pleins de marchandises : de l'or d'El Dorado, des soies cramoisies de l'île orientale d'Utopia, des armes d'acier de l'Arduinna et des vins d'Antillia.

Le sud de la capitale était séparé du reste de la ville par le Neome, un fleuve aux eaux brunes, regorgeant de poissons et parcouru par des bateaux venus de tous les horizons.

Du côté est se dressait la forteresse de la famille impériale, d'une taille impressionnante, dont les murs et les sols s'élevaient depuis les fondations les plus profondes.

Le mur de la ville, haut et large, ponctué à intervalles de tourelles et d'entrées consciencieusement surveillées, entourait cette cité aussi dynamique que polluée.

Dans les faubourgs, des foules s'amassaient autour de champs lisses, attirées par les spectaculaires ventes de beaux chevaux. De nombreux bourgeois de la ville s'y trouvaient ainsi que d'innombrables citoyens. Certains étaient là pour acheter tandis que d'autres se contentaient de regarder. Contempler les palefrois trotter doucement dans les champs restait un plaisir pour les yeux. Il s'agissait de fières bêtes aux pattes robustes et puissantes qui côtoyaient des chevaux de guerre, plus coûteux, plus grands et plus gracieux. Leurs oreilles étaient frémissantes, leur cou haut et leurs fesses rebondies. Les acheteurs potentiels observaient avec intérêt ces nobles marchandises. D'abord leur trot puis leur galop. Se trouvaient également des juments aptes à tirer des charrues et des charrettes. Certaines avaient déjà le ventre gonflé d'un fœtus tandis que d'autres erraient déjà avec leur nouveau né – de jeunes poulains fringants – collés contre elles.

Depuis le balcon d'une des tours de la résidence impériale, l'archichancelier Mordred observait pensivement la ville grouillante d'activité. Sa main droite ne cessait de jouer doucement avec l'Aurifex de l'Eau. Un sourire énigmatique éclairait son visage à la peau pâle et grêlée. Le numéro deux de l'Empire venait tout juste de revenir d'Antillia. Sa main gauche, quant à elle, tenait encore une lettre signée du sceau impérial. L'Impératrice Elizabeth III le convoquait, lui et le Chevalier Noir, dans la salle du trône pour échanger sur les derniers événements. L'assaut de Lambermer, le sauvetage de la princesse Clarence et le changement de maître de la Compagnie des Épices seraient à l'ordre du jour.

Autant d'initiatives pour lesquelles l'Impératrice n'avait ni été impliquée ni mise au courant. Aux yeux de Mordred, elle n'était qu'un spectre malingre et sous-alimenté, plongé dans une mélancolie éternelle. Une enveloppe sans vie. Une dirigeante qui passait plus de temps dans les cryptes du palais que dans la salle du trône. Elizabeth III passait souvent ses journées seule à se recueillir auprès du tombeau de sa mère et de son père, feu l'Empereur Nicolas II. L'impératrice ne conservait aucun souvenir de ses parents. Tous deux avaient perdu la vie alors qu'elle n'était qu'un nourrisson.

Après cette tragédie, Mordred avait été nommé archichancelier impérial et avait assuré la régence de l'Empire jusqu'à la majorité d'Elizabeth. De fait, la jeune impératrice voyait en cet homme pragmatique et charismatique, reconnaissable à sa longue chevelure blanche et à ses yeux envoûtants, un mentor voire – disaient certains – un père de substitution. Mordred lui-même, plus que quiconque, était bien conscient de la prestigieuse position qu'il occupait dans l'esprit tourmenté de l'impératrice.

L'Alchimie des LégendesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant