Chapitre 11

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Une nouvelle larme roula le long de la joue sale de Clarence. La jeune princesse, à présent à la merci d'hystériques sorcières, se tenait la tête dans les mains. Roulée en boule sur sa misérable couche incrustée de vermine, la belle suzeraine marmonnait quelques discrètes prières à Hydrion, la divinité protectrice de sa merveilleuse cité d'Antillia. Vu sa situation, seul un Dieu était encore en mesure de l'aider. Et encore, elle se permettait d'en douter... Elle, qui était pourtant une personnalité de haut-rang, avait été arrachée à sa belle patrie insulaire par un grossier dragon pour enfin terminer dans une pitoyable masure en torchis dans une région marécageuse de l'Arduinna, entourée de sorcières décadentes.


Était-elle victime d'un mauvais sort ? Qui pouvait donc lui en vouloir à ce point ? Pourquoi avait-on commandité son enlèvement et qui donc pouvait avoir autorité sur un dragon ? Autant de questions qui se bousculaient dans sa tête. Quand elle n'y pensait plus, son attention se portait alors sur la faim et la fatigue qui l'accablaient. Des cernes violettes s'étaient déjà formées sous ses ravissants et grands yeux bruns. Son ventre émettait quelques plaintes grotesques... Elle soupira. Elle qui, jusqu'à présent, n'avait jamais manqué de rien, se retrouvait perdue et confuse sans sa sécurité habituelle. Et tandis qu'elle grelottait de froid, elle se mit espérer qu'Albert, le brave capitaine des hallebardiers d'Antillia, avait survécu à ce chaos terrible qui avait agité le palais. Peut-être était-il déjà à bord d'un navire, voguant vers les côtes de l'Arduinna. Oui, il avait sans doute eu la présence d'esprit de recourir aux services d'une oracle qui était parvenue à la localiser. C'était en tous cas ce qu'elle espérait.


Ses yeux assombris par la tristesse et la fatigue ne quittaient pas la petite flamme qui dansait au sommet de cette chandelle – dont la cire n'était autre que de la graisse humaine, à n'en pas douter – qui apportait à cette pièce puante et étroite un minimum de lumière. Hélas, ladite lumière disparu lorsque brusquement la porte grinçante fut ouverte par une grosse dame à la gorge généreuse et au double-menton parsemé de verrues.


La disgracieuse personne qui tenait en face de Clarence se racla la gorge avant de demander d'une voix rauque :


- Comment la princesse trouve-t-elle son nouveau palais ?


Clarence quitta ses pensées et tenta de se dresser le plus droitement possible :


- Vous ne m'impressionnez point, mégère ! Vous aurez à répondre de vos infamies ! Un rire gras s'échappa des lèvres de la macrale.


- Tu voudrais me faire croire que tu n'as peur, petite précieuse ? Amusant. Je peux lire la panique dans ta voix et dans tes yeux, princesse.


Clarence fronça les sourcils, indignée et pointa un doigt accusateur vers sa geôlière.


- Mécréante infâme. Je vous ferai lire les lois d'Antillia et vous serez ce qu'il en coûte de s'en prendre à une personne comme moi.


- « Une personne comme toi » ? répéta la sorcière avec amusement. Ton rang ne vaut rien ici, petite impertinente.


- Pourtant, j'ai cru comprendre que vous aviez besoin de mon noble sang bleu pour vos rituels déviants, ironisa Clarence.


L'Alchimie des LégendesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant