Chapitre 17

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Ce matin, l'entrée de Mordred et de la princesse Clarence dans la ville d'Antillia avait été des plus grandioses. Un véritable triomphe pour l'archichancelier impérial qui, assis à l'arrière d'un carrosse aux côtés de la jeune princesse, avait longuement été acclamé par la foule enthousiaste. Les sujets de la principauté s'étaient massés en nombre autour de l'avenue par laquelle passaient l'homme aux cheveux blancs et la suzeraine. Celui qui l'on nommait à présent « le héros de Londragon » avait été accueilli par un tonnerre d'applaudissements. Depuis les balcons, il avait plu d'innombrables pétales de roses blanches sur leur passage et presqu'autant de fleurs avaient lancées vers le numéro deux de l'Empire d'Estotiland.

Trois jours après avoir été secourue par le valeureux Mordred, Clarence avait enfin pu retrouver son île natale d'Antillia, ses rues joyeuses et baignées de soleil. Qu'elle avait apprécié retrouver le marbre blanc de sa ville bien-aimée et entendre à nouveau l'accent chantant de ses sujets. Toutes et tous avaient été rassurés de voir leur princesse revenir en vie et, qui plus est, aux côtés d'un héros !

À présent assise dans une salle du trône noire de monde, Clarence suivait Mordred du regard. Celui-ci s'avançait vers la suzeraine d'un pas distingué et lent. Sa démarche était solennelle. L'impérial considéra quelques instants les murs recouverts de velours cramoisi ainsi que la fresque impressionnante qui, bien des siècles plus tôt, avait été peinte au plafond. Elle représentait l'arrivée du Prince Régis à Antillia.

Clarence se leva doucement. Quelques-uns de ses muscles l'endolorissaient encore. Elle luttait pour ne pas le montrer. D'ailleurs, des quantités énormes de poudre et de maquillage avaient été appliquées sur son visage délicat pour cacher au mieux ses coups et ses bleus. Un sourire discret illumina son visage lorsque son sauveur s'inclina devant elle. D'un geste de la main, elle l'invita à se relever.

Un valet s'avança avec élégance pour présenter à la suzeraine un petit coffret en bois. Le serviteur ouvrit délicatement celui-ci. Dans la boîte, se trouvait posée sur un coussin de velours bleu une belle gemme à la couleur océanique. Quelques murmures impressionnés se firent entendre. Dans l'assistance, les plus érudits reconnurent l'Aurifex de l'Eau. Il s'agissait d'une relique sacrée qui appartenait à la famille princière depuis de nombreuses générations. Plusieurs historiens de la principauté affirmaient qu'elle avait été trouvée dans une huître par le Prince Charles V, un lointain ancêtre de Clarence. Les prêtres d'Hydrion, quant à eux, prétendaient que cette pierre magique avait été offerte à ce même prince pour lui permettre d'éloigner les monstres marins de l'île.

Dans tous les cas, il s'agissait d'un trésor étroitement lié à la famille princière et à l'histoire de l'île. Les yeux gris de Clarence croisèrent un court instant ceux de ses conseillers. Elle devinait que certains désapprouvaient. Plusieurs de ces vieillards poussiéreux avaient imploré Clarence de ne pas remettre pareil outil entre les mains d'un impérial, fusse-t-il un courageux guerrier. Néanmoins, la princesse avait insisté et avait maintenu sa décision. Elle avait vu de ses propres yeux ce que l'archichancelier était capable de faire avec un Aurifex. Il savait les utiliser !

Un compromis avait donc été trouvé : la Principauté d'Antillia ne ferait pas don de l'Aurifex de l'Eau à l'Empire d'Estotiland mais prêterait ce dernier à son archichancelier, et à lui seul, qui s'engageait à le restituer une fois qu'il cesserait d'exercer ses fonctions.

La princesse prit la petite pierre dans sa main. Le seul fait de la toucher l'apaisait. Cette gemme dégageait une aura de tranquillité et de sérénité. Elle inspirait le calme, comme l'océan. Et pourtant, la jeune femme n'ignorait pas combien les mers pouvaient parfois se montrer déchaînées.

Mordred posa ses yeux d'un bleu glacial sur l'Aurifex. La convoitise illuminait son regard mais l'homme aux longs cheveux blancs parvenait à rester stoïque et humble.

L'Alchimie des LégendesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant