L'Alchimie des Légendes

Chapitre 24

L'émissaire. C'était donc ainsi qu'on l'appelait depuis qu'il avait sauvé la vie d'un des chasseurs les plus respectables de la tribu. Alexandre avait porté bien des surnoms. Son préféré, notamment, restait le héros de Lambermer. Néanmoins, il appréciait aussi être désigné comme le champion de Gruneforge. Parfois, quelques seigneurs parlaient de lui en le nommant le fléau de Barbe Noire. Autant de qualificatifs qu'il chérissait quand il était encore à la tête de la Compagnie des Épices. Une corporation de guildes qui lui manquait déjà.

En effet, le jeune marchand repensait souvent avec nostalgie à ses soirées avinées et charnelles dans l'auberge des Dix Quiches. De temps à autre, il se remémorait combien il était plaisant de voyager en mer à bord d'un immense navire aux voiles immaculées et chargé de précieuses cargaisons. Diantre, qu'il aurait aimé à nouveau se promener dans les rues d'Antillia sur le dos de son fier palefroi : un Genet du Frisland, un cheval d'allure et de prestige. Maintenant, il en était réduit à briser des noix de coco pour se nourrir en compagnie de sauvages qu'il méprisait. Même si tous les membres de ce clan étrange le considéraient avec respect depuis qu'il avait terrassé un mammouth, il n'en demeurait pas moins animé par le désir profond de quitter cette île sauvage et dangereuse. Il en fallait beaucoup pour l'effrayer, certes, mais le fait que toutes les fées du village voyaient en lui l'élu qui terrasserait le dragon Solarion le rendait particulièrement anxieux.

Il ne s'était jamais mesuré à de telles créatures et il ne se voyait pas risquer sa vie pour un peuple primitif aux pratiques douteuses. Non. Il lui fallait quitter cet endroit de dégénérés au plus vite. Il s'était même imaginé construire un radeau pour prendre le large. Une idée qu'il n'avait que peu investi. Le risque de se perdre dans l'infinité de l'océan était grand. Trop grand. Il lui fallait trouver autre chose...

Encore en ce moment, le jeune marchand ne cessait de réfléchir à une issue potentielle tandis qu'il se promenait le long de la côte avec deux autres chasseurs. Tous les trois étaient partis à la recherche de crabes et autres crustacés. Son seau de fortune n'était qu'à moitié rempli.

- Il n'y a pas longtemps, j'avais autorité sur des flottes entières de navires de pêche, grommela Alexandre en tapotant du bout de son bâton quelques coquillages éparpillés sur le sable blanc. Quelle indignité...

- Vous êtes le digne guerrier désigné par les Dieux pour débarrasser cet île du joug de Solarion, nota l'un des des fétauds. Cela devrait vous rendre fier !

- Mouais, grogna ledit guerrier. Occire un dragon que je ne connais point...

Le jeune marchand, qui à présent ressemblait plus à un homme sauvage qu'à un notable d'Antillia, toisait une misérable étoile de mer lorsque, sans prévenir, un grondement sourd et puissant se fit entendre au loin. Alexandre se retourna et fronça les sourcils.

- Qu'est-ce que c'était ?! demanda-t-il avec nervosité.

- Solarion..., marmonna craintivement l'un des chasseurs.

Alexandre fronça les sourcils et, poussé par la curiosité, s'éloigna au pas de course vers les dunes pour rejoindre de hauts rochers. Le jeune homme voulait voir de ses propres yeux quelle était cette créature qui terrorisait ce peuple aussi sauvage que crédule.