Chapitre 22

8 1 4
                                    

Il était peu fréquent pour les fées tribales de trouver des naufragés sur les plages de leur île. Situées entre le continent d'Esoteria et la Lémurie, leurs terres sauvages et exotiques accueillaient en de rares occasions des rescapés de l'un ou l'autre combat naval. Les pirates de Libertalia sévissaient en effet dans les mers de l'est, bloquant souvent l'accès aux quelques marins assez téméraires pour s'aventurer jusqu'au lointain territoire des phénix. Parfois, l'océan jetait sur le littoral des hommes mourants.

Cet après-midi, les quelques membres d'une tribu, lors d'une patrouille de routine, venaient de mettre la main sur un jeune marchand de plus ou moins vingt-sept printemps. Un gaillard aux cheveux bruns légèrement bouclés et aux yeux bleus comme l'océan qui l'avait déposé là. L'individu, inconscient, portait une tenue aussi sale qu'abîmée. Le pensant mort, les fées tribales lui arrachèrent son manteau rouge et sa large ceinture en cuir noir tout en échangeant à voix basse. L'un des indigènes tenta de saisir le torque en or que le malheureux portait autour du coup.

Sentant une présence étrangère autour de lui, Alexandre ouvrit brusquement les yeux. Le jeune homme remarqua que de nombreuses créatures à la peau violettes, aux cheveux blancs et aux ailes bleutées, étaient penchées sur lui. Le marchand grogna et, guidé par son instinct, envoya son poing dans la mâchoire de celui qui voulait lui arracher son collier. Le curieux fétaud se recula en râlant de douleur. Ses camarades, réalisant que leur proie était vivante, se jetèrent sans hésiter sur Alexandre pour le maintenir au sol.

- Lâchez-moi, misérables larves, tonna le jeune homme. Voleurs ! Fripouilles !

Sans hésiter, le fétaud le plus âgé et le plus imposant appuya son pied contre la poitrine du naufragé.

- Ferme-là, humain. Je vais t'apprendre les bonnes manières, si tu continues !

- Scélérat ! Qui es-tu donc pour me donner des ordres ?!

Le vétéran féérique fronça les sourcils et grogna :

- Je te retourne la question, intrus...

- Intrus ? Sacrebleu, où suis-je donc ?

- Loin de chez toi, j'en ai bien peur.

Alexandre, malgré sa vue encore floue, distingua tout autour de lui de grands arbres sauvages et exotiques. Des palmiers, des cocotiers et même des bananiers. Un instant, il s'inquiéta de se trouver sur les côtes de Libertalia mais les gredins qui l'entouraient ne ressemblaient en rien à des pirates. Il s'agissait de fées au teint étrange, vêtue légèrement. Seules de longues feuilles vertes étaient attachées autour de leur taille. D'autres portaient un simple pagne en tissus légers.

Le jeune homme nota aussi que tous ces fétauds étaient armés de lances à pointe d'obsidienne. D'autres tenaient dans les mains de petits couteaux en silex. Aucun de ces êtres ne portaient de bannière ni aucune armoiries. Des guerriers sans seigneur et sans royaume... des barbares.

- Vous êtes des sauvages, devina Alexandre.

- Nous sommes des peuples émancipés, rectifia le fétaud âgé.

Celui-ci s'adressa ensuite à ses camarades d'une voix autoritaire :

- Emmenez-le !

Deux fétauds saisirent Alexandre pour le soulever brusquement.

- Ma jambe ! grogna-t-il.

Le marchand jeta un regard furieux à ces êtres qui, pour la plupart, portaient des peintures corporelles. Certains avaient sur les épaules des marques oranges, une couleur obtenue en mélangeant de la poudre de rocouyer avec de l'huile de palme.

L'Alchimie des LégendesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant