Chapitre 28

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Bayard, le cheval-fée, n'avait pas tardé à retrouver son propriétaire. Lorsque Geoffroy, changé en dragon, s'était échappé du palais de la fée Morgane, le légendaire destrier n'avait pas hésité un seul instant à quitter les écuries dans lesquelles il se trouvait. Il lui avait fallu seulement quelques heures pour repérer celui qu'il cherchait.

Guidée par la loyauté, la monture s'approcha fièrement d'un duo qui, à première vue, paraissait bien atypique : un dragon et un jeune homme aux cheveux bouclés en train d'échanger calmement près d'un petit feu de bois. Les flammes, qui dansaient timidement dans l'obscurité, jetaient de petites étincelles vers le ciel étoilé. Elles éclairaient d'une lueur orangée le visage d'un héritier qui avait survécu au naufrage de son destin et qui – malgré toutes ses mésaventures – était parvenu à rejoindre le continent.

Leur reflet, dans les yeux jaunes et imbibés de magie du dragon, semblait aussi mouvementé que les récits qu'ils étaient en train d'échanger. Geoffroy était encore en train d'essayer d'imaginer Alexandre vivre parmi des fées tribales pendant plusieurs semaines. Il ne parvenait pas à visualiser son ami en train de chasser le mammouth et collecter des crabes en compagnie de peuplades sauvages pour, au final, s'échapper en massacrant un dragon albinos.

Bayard, à peine épuisé par son périple, s'annonça en s'ébrouant et en frappant son sabot sur le sol. Le dragon et son complice s'interrompirent dans leur conversation et tournèrent leurs regards vers lui.

- Il m'a retrouvé, siffla la bête.

- En effet, il te semble loyal, fit Alexandre en considérant Bayard avec un mélange de curiosité et de fascination.

Le cheval-fée s'avança vers les deux amis et se posa près du feu, semblant satisfait d'être parvenu à les localiser.

- Il est collant comme du miel, grimaça la créature aux écailles vertes, mais c'est un brave, comme son ancien propriétaire.

Alexandre hocha la tête et affirma :

- Maugis. L'ermite, l'enchanteur, le héros de l'Arduinna... Je n'en reviens toujours pas.

- Il m'avait averti, fit Geoffroy avec amertume. Il m'avait demandé de ne pas amener la princesse à l'auberge de la Fée Verte ! J'aurais dû l'écouter...

- En tous cas, les impériaux se sont bien foutus de nous, grogna Alexandre en frappant rageusement son pied contre une bûche de pin qui dépassait des flammes.

Le jeune héritier des Disbourg se releva, caressa sa barbe et esquissa un sourire malicieux :

- Néanmoins, nous avons un avantage.

- Ah ? siffla le dragon avec pessimisme.

- Ils nous croient morts. Pour le Chevalier Noir, je repose avec les poissons dans l'épave de la Louise Rouge. Pour Mordred, ta carcasse est au fond d'un ravin. Personne ne nous recherche. Personne ne s'attendra donc à notre retour.

- Ouais, je m'impatiente de fondre sur Londragon pour rôtir Mordred dans son Palais et libérer Naménielle.

La bouche d'Alexandre forma une moue dubitative :

- Drastique... Je ne pense pas qu'attaquer la capitale impériale pour libérer une de leurs captives soit aussi aisé que de s'emparer d'une princesse à Antillia. L'Empire est loin d'être aussi pacifiste que la principauté. Sans oublier que Londragon a souvent été prise d'assaut par les dragons tout au long de son histoire. Les impériaux sont très bien préparés en ce qui concerne les menaces enflammées et célestes...

- Diantre, grogna Geoffroy. Alors, on sollicite poliment à l'impératrice une audience, c'est ça ? On lui demande de s'excuser pour les méfaits de Mordred, de nous remettre Naménielle et tout le monde oublie ce sinistre malentendu ? C'est vrai, tiens, tu es un « artiste de la diplomatie et de la négociation ».

L'Alchimie des LégendesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant