Chapitre 18, carcasse (Torval)

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Les doigts de métal se tendirent et se replièrent plusieurs fois dans le vide. C'était impressionnant comment la prothèse métallique qui remplaçait la main de Torval bougeait selon ses pensées. Elle lui semblait presque naturelle, comme s'il l'avait toujours eu. Et avec la membrane tactile qui la recouvrait, il était facile d'oublier que ce n'était qu'une prothèse. Il contempla un instant sa nouvelle main puis remercia Noée qui se tenait à côté de lui, debout sur ses deux jambes.

− Merci beaucoup. C'est vraiment superbe. Reste à voir si j'ai pas perdu la main.

Noée l'aida à se relever tout en lui répondant :

− Je t'en pris, je n'ai fait que mon travail.

Torval se releva et regarda autour de lui en attendant que les fourmis dans ses jambes ne se dissipent. Un effet secondaire des puissants anti-inflammatoires que Noée lui avait injectés avant d'aller faire trempette dans l'une des cuves. Ils avaient eut l'effet escompté, faire désenfler le moignon encore rouge du vieil homme. Mais par contre, il avait eu de gros vertige pendant un moment et avait décidé d'attendre là que Noée revienne. Et le temps passant, il s'était endormi.

C'était Noël qui l'avait réveillé pour le prévenir que la séparation de Noée s'était bien passé. Il avait assisté à la première, celle de Toraël, et c'était assez particulier. Elles avaient endormi l'homme-insecte, l'avait branché à un respirateur artificiel ainsi qu'à un moniteur et l'avait simplement laisser tomber dans une cuve qu'elles avaient dû remplir manuellement. Au cours de la première heure, il ne s'était absolument rien passé. Puis le liquide s'est brusquement épaissit, prenant une couleur d'un rouge profond. Ils s'étaient aussitôt inquiétés, mais les deux sœurs jumelles les avaient arrêtés avant qu'ils n'aient le temps de faire quelque-chose. Les signes vitaux sur le moniteur étaient stables. Ils avaient donc décidé de leur faire confiance et d'attendre la suite.

Après quelques heures sans qu'il n'y ait le moindre changement, le liquide s'était peu à peu éclaircit et ils avaient alors put découvrir Toraël, baignant dans le liquide, ses jambes flottantes mollement à côté d'une masse informe dont des lambeaux venaient s'enrouler autour de lui. La séparation avait été un succès. Ils avaient alors retiré Toraël de la cuve, l'avait réveillé et avait pu constater qu'il était en parfaite santé. Même la blessure qu'il avait eue plus tôt à la cuisse avait disparue. Et en voyant la réussite de l'opération, ils avaient rapidement décidé de préparer une seconde cuve pour la séparation de Noée tandis que sa sœur finalisait la création de la main bionique. Tout semblait s'améliorer petit à petit et plus personne n'était soucieux de leurs avenirs. Ils allaient réussir à sortir d'ici.

Torval fit quelques pas, faisant aller sa main biotique tandis que Noée se tenait à ses côtés, prête à l'aider en cas de problèmes. Mais la sensation de faiblesse qui l'avait envahi disparut rapidement et il avança avec davantage d'assurance.

− Bon, et bien puisque je suis de nouveau opérationnels, je pense qu'il est temps de retourner travailler.

− Ne force pas trop, s'inquiéta Noée.

− Ça ira, la rassura Torval.

Il prit la direction du pont et vit Typhaine qui discutait à côté de la porte du centre IA. Torval eut un sourire. Il avait trouvé celle qu'il cherchait. Il approcha de Typhaine qui l'avait entendu arriver et appela :

− Annabelle ?

− Torval ? T'es debout ?

− Et oui ! Et je suis prêt à reprendre la main !

Annabelle pouffa et passa la tête par l'ouverture.

− C'est bien de te voir en forme. Et... ta main est vraiment bien faite. Qu'est-ce que je peux faire pour toi ?

− Je voulais savoir si tu avais des informations qui pourraient m'intéresser sur l'état du vaisseau.

− Oui, bien sûr ! Qu'est-ce que tu veux savoir ?

− Et bien, tout. Mais je pense que je vais déjà voir l'état général du vaisseau si jamais il y a des trucs que je peux faire.

− Euh, si tu cherches des trucs à faire, il y a le système de verrouillage des boucliers qui doit être débloqué manuellement. Et je n'ai pas la moindre info concernant les propulseurs atmosphériques. Il faudrait aller voir sur place. Pour le reste, l'état est pas fameux, et mis à part le sas, tout semble pouvoir fonctionner pour peu qu'on ait assez d'énergie, ce qui ne semble pas être le cas pour une raison que j'ignore.

− Curieux, mais bon, je vais d'abord voir pour les commandes du bouclier et voir si je peux débloquer la porte des propulseurs. Merci pour les infos !

Il la remercia d'un signe de la main et se dirigea vers l'avant du vaisseau, sur la passerelle. Les commandes d'ouvertures des boucliers ne devaient pas être bien loin. Il jeta un coup d'œil sur le tableau de bord, mais il ne comprenait pas l'utilité de plus de la moité des commandes. Il aurait très probablement put le découvrir en commençant à tout démonter, mais il était sûr que ce qu'il cherchait n'était pas là. Son regard parcourut le plafond de la passerelle. La commande devait probablement être derrière une trappe. Comme celle qu'il y avait tout à droite, juste à côté de la dernière glace de protection. On pouvait facilement passer à côté sans la remarquer, mais pas quand on savait ce qu'on cherchait. Torval avisa un instant la trappe, puis il lâcha pour lui-même :

− Bon, ben il est temps de mettre cette jolie main à l'épreuve.

Et d'une brève injonction mentale, sa main se transforma. Les doigts se désolidarisèrent du reste de la main, se transformant en outils qui pourrait sans difficulté démonter la trappe. C'était rudement pratique. Il démonta rapidement la plaque qui cachait les mécanismes dont il avait besoin pour déverrouiller les boucliers. Il actionna le levier, et à sa grande surprise, il y eut un déclic. Il s'était tellement attendu à ce que le bouclier refuse de fonctionner correctement qu'il était surpris que cela se fasse sans problème. Il actionna alors la commande pour remonter les boucliers, mais rien ne se passa. Forcément. Les boucliers n'étaient pas alimentés en énergie. Torval se redressa pour se diriger de nouveau vers le centre IA.

− Annabelle, est ce que tu peux dériver un peu d'énergie vers le système des boucliers ?

− Oui, pas de problème, répondit-elle. C'est quand je dois amener de l'énergie vers l'arrière du vaisseau que ça pause problème. C'est comme si elle se dissipait en partie, m'empêchant de faire fonctionner des systèmes autre que les senseurs où les éclairages, et encore... Voilà, c'est fait.

Un léger bruit de raclement se fit entendre venant de la passerelle tandis que la lumière naturelle envahissait peu à peu le vaisseau.

− Hey, on a de la lumière ! S'exclama Typhaine en sautillant d'excitation, ce qui était assez étrange avec ses huit pattes. Viens voir, ma belle, on peut voir... oh bordel !

− Qu'est-ce qu'il se passe ? Demanda Annabelle en passant la tête par l'ouverture.

Torval s'approcha des glaces de protection alors que les boucliers se relevaient, révélant ce qu'il y avait dehors. Ils étaient suspendus dans l'air.

Le vieil homme contempla un instant le paysage qui se dévoilait au fur et à mesure que le bouclier se rétractait. La lumière du soleil perçait en de rayon qui illuminait la brume avoisinante, révélant de gigantesque tronc d'arbre d'où pendait de longue liane qui se balançait au gré du vent. La cime de ces géants se perdaient dans une épaisse masse brumeuse, une trentaine de mètres plus haut, tandis qu'une centaine de mètres plus bas, le sol se devinait à peine à travers un léger brouillard.

− Wow, heureusement que j'ai pas désactivé les stabilisateurs, fit Annabelle qui contemplait elle aussi le décor avec de grands yeux.

Torval fit un pas en arrière et se gratta l'arrière de la tête. Bon, ben il avait intérêt à rapidement faire quelque-chose pour les réacteurs. Et pour ça, il fallait d'abord y avoir accès.

Prisonniers de l'inconnuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant