Chapitre 44: Bientôt la sortie...

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Jeudi 25 mars 2021.

Hier, j'étais très fatiguée, je me suis couchée vers 22h00 pour au final, ne pas réussir à m'endormir tout de suite...
Ce matin, je me sens assez faible. Je ne suis pas fatiguée. Juste physiquement faible. Mon corps n'a aucune énergie. J'ai l'impression que même me tenir debout me demande un effort presque insurmontable.

Vous voyez l'infirmière que je n'aime pas? En vrai, elle est juste un peu froide. Ou plutôt je dirais, un peu revêche au premier abord. Après, en entretien, ça passe. Ce qui m'énerve, c'est quand elle va chercher mon plateau repas. Une fois la porte de ma chambre refermée, on dirait qu'elle fait exprès de bien insister en faisant beaucoup de bruit, qu'elle jette la nourriture que je n'ai pas mangé dans un sac poubelle. Comme si elle voulait m'en faire prendre conscience. Sauf que je sais tout ça!
Mais en quoi insister là-dessus va m'aider à manger?! Ce n'est pas ça qui fait que soudainement, je vais me dire: Ah bah tiens! Oui, elle a raison! Quel gachis, il faut que je mange!"
C'est une maladie l'anorexie mentale. Ce n'est pas en nous faisant culpabiliser qu'on va manger plus!

J'ai eu mon entretien avec le psychiatre. C'est celui que j'ai vu la première fois.
Si je résume, pour demain, je dois trouver un plan d'urgence. Comment je peux en parler à mes parents de façon simple, sans que je fasse compliqué.
Je dois aussi réfléchir aux bénéfices de l'hospitalisation et quelles sont les autres bénéfices que je pourrais en tirer.
J'aimerais aussi me trouver des projets. Sortir plus souvent de chez moi. Ma maison, ma chambre est à la fois un endroit où je m'y sens bien et en même temps c'est un endroit toxique. Car il me rappelle aussi mon passé.
Et c'est de là qu'Ophélie est apparue. Elle est la séquelle de mon passé, la plaie de mon passé. Je dois fuir au maximum cet endroit, fuire Ophélie. Car je sors demain en fin d'après-midi.
Il n'y aura pas de transfert dans un autre hôpital comme je l'espérais. Pas d'échappatoire à Ophélie.

Je vais prendre mon courage à deux mains, reprendre rdv avec le psychiatre de la maison des ados. Je pense que je vais en parler. De Ophélie. Peut-être pas à l'oral mais à l'écrit. J'ai confiance en lui. Je m'y suis déjà attachée en ne l'ayant vu qu'une fois.

J'ai peur qu'on me lache dans la nature sans rien, sans défense. Peur que demain je sois toute seule, livrée à moi-même, à Ophélie. Peur de ne pas réussir à me débrouiller seule dans la vie, peur de grandir, peur de prendre mon indépendance. J'ai peur de moi-même. Peur de ce qu'il se passe dans ma tête. Peur d'être folle. Peur de l'avenir. Des gens. De mes parents. Peur d'avancer.
J'ai peur putain.
Peur de vivre ma vie. Peur d'être heureuse...

Dès fois, je suis triste sans raison et je cherche à comprendre pourquoi. Le psychiatre m'a dit que c'est normal, c'est humain de vouloir à tout prix comprendre pourquoi on va mal. Parfois il y a une réponse à cette question mais parfois il n'y en a tout simplement pas. Et il m'a dit: "Qu'est-ce qu'il y a de plus simple entre vouloir à tout prix comprendre pourquoi on va mal et chercher une solution pour aller mieux? Est-ce que ce n'est pas plus simple de se poser la question: comment je peux faire pour aller mieux? Plutôt que: Pourquoi je vais mal?"
Ce n'est pas bête comme réflexion.
Contrairement au premier entretien que j'ai eu avec lui où je me suis sentie oppressée par ses questions, cette fois-ci, ça s'est bien passé. Lui au moins, il donne des idées de solutions, des choses concrètes et j'aime quand c'est concret, ça me parle plus.
Demain, j'aurais un dernier entretien avec une psychiatre. Malheureusement, ça ne sera pas lui.

Maintenant que mes parents sont au courant pour mes troubles du comportement alimentaire, j'ai un peu peur pour les repas à la maison.. Ils seront là à m'observer manger, à scruter dans les détails chaque aliment que je mange. Je ne pourrais pas être tranquille, ça sera agaçant.

Je veux trouver un travail, m'acheter une vielle à roue, louer un petit studio pour me casser de chez mes parents, rencontrer une amoureuse... Je veux une nouvelle vie et surtout fuire Ophélie pour commencer et ensuite la tuer par la parole.

Mais peut-on vraiment tuer une partie de soi-même ?

La Vie En Hôpital PsychiatriqueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant