Chapitre 46: Premier jour en hdj

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TW! Les prochains chapitres porteront sur les troubles du comportement alimentaire. Évidemment, je ferais attention à ce que j'écrirais.
Dans ces prochaines parties, je ne parlerais pas chiffre (poids, calories...). L'anorexie mentale étant une maladie très compétitive, faire mention de ces chiffres n'aiderait pas les personnes se trouvant dans la même situation que moi.(Donc quand je parlerais de mon poids, c'est en imc que je traduirais et non en kg).
De plus, je ne parlerais pas non plus de mes comportements compensatoires (après une crise de boulimie par exemple). Cela me semble logique et évident mais je tenais tout de même à le préciser. Je souhaite raconter mon parcours et comment je m'en suis sortie. Pas de conseil pro ana ici. Je veux vous tirer vers le haut pas vers le bas! ;-)

Jeudi 29 avril 2021.

Élisa, l'infirmière que j'ai vu ce matin pour mes constantes m'a dit qu'il fallait absolument que je prenne un petit-déjeuner avant d'aller à l'hôpital sinon je suis obligée d'en prendre un sur place. Je n'ai donc pas eu le choix que de manger mes 2 tartines, mon beurre et ma confiture.
J'ai voulu regarder le poids  de la confiture sous l'emballage mais la diététicienne m'a vu. Et elle m'a dit:
- Nonnnn, Claire!
Oupsiii 😅
Je n'ai eu le temps de rien voir, elle a tout de suite capté!
Notre comportement pendant les repas est étudié, observé dans les moindres détails.
Le fait d'être observée me met mal à l'aise. Je n'ose rien faire du coup.
Les autres, ayant manger avant de venir avaient le droit à la collation. Et le jeudi c'est croissant ou pain au chocolat. Finalement, je me suis dit que j'avais bien fait de ne pas prendre de petit-déjeuner. Ainsi, ça m'évite la collation qui se serait ajouté au petit-déjeuner...

Elle m'a demandé si je prenais bien mes compléments alimentaires (boissons hypercaloriques que Laure, la diététicienne m'avait prescrit lors du rendez-vous d'admission en hdj).
J'ai été honnête. J'ai répondu que je n'arrivais pas à les prendre.
Le nombre de calories sur la bouteille me freine... Puis il y a le goût aussi... C'est vraiment dégueulasse, limite imbuvable ces trucs! J'ai regardé la composition par curiosité... Le nombre d'additifs qu'il y a dedans, ça fait peur! Et on ose nous dire qu'on doit le voire comme un médicament? J'ai plus l'impression de m'intoxiquer à boire ces trucs! Mais j'imagine que c'est plus facile pour certains de boire ça plutôt que de manger...
En tout cas, moi, ça ne me convient pas.

Élisa m'a un peu mis la pression pour me dire qu'il faut aussi que j'y mette du miens, que je fasse un effort pour manger plus à l'hôpital mais aussi à la maison.
Comme si c'était facile...

Dans la salle commune où on se retrouve tous entre patients, l'une discutait avec les autres. À un moment donné, ils lui ont donné un objectif de poids à atteindre et si elle ne l'atteignait pas, ils ne la gardaient pas en hôpital de jour...
Soit, ils l'auraient viré sans proposer aucune alternative, soit ils l'auraient viré de l'hdj pour l'hospitaliser à temps complet à la place. Ça, je ne sais pas.

J'ai terriblement peur de ne pas y arriver. Mais je sais que je n'ai pas le choix. Je dois reprendre du poids. Je ne veux pas qu'ils m'abandonnent. J'ai envie de m'en sortir, de guérir... Mais la motivation n'est malheureusement pas toujours suffisante. Parfois la maladie est plus forte que nous... Et j'ai peur qu'elle m'écrase.

J'ai vu l'assistante sociale juste après la collation. On a vite fait le tour sur ma situation familiale, rien de bien intéressant. J'ai parlé de mon parcours scolaire, où j'en étais dans mon projet professionnel... Elle m'a donné le nom d'une structure qui aide les jeunes dans l'orientation de leur projet pro, un peu comme la mission locale. J'irais me renseigner.
Elle m'a donné son adresse mail et m'a proposé qu'on refasse le point d'ici 2-3 semaines.

J'ai ensuite vu une interne. Ils me font tous un peu la morale et essayent de me faire peur dans le but de créer un déclic.
" Si ça ne fonctionne pas, et que vous continuez de perdre du poids, le médecin a envisagé la pose d'une sonde naso-gastrique à domicile ou en hospitalisation à temps complet."
Elle m'a mise sur liste d'attente pour une hospitalisation à temps complet et m'a dit que si jamais on en arrivait à la sonde, il ne fallait pas que je le vois comme une sanction...

Le truc, c'est que ça ne me fait pas peur.
Évidemment, je n'ai pas envie d'en arriver là. Mais, ça ne me fait pas peur...

Elle m'a vivement conseillé d'arrêter le sport car vu mon imc, ça pourrait être dangereux. Elle m'a expliqué les risques: chute de tension, malaise, fracture (les os étant souvent plus fragiles à cause de la dénutrition et/ou de l'arrêt des règles)...
Et évidemment, elle a insisté sur le fait qu'il fallait A-BSO-LU-MENT que je prenne mes compléments alimentaires...
Ça s'annonce compliqué...

J'ai aussi vu la psychologue. C'était un premier entretien donc nous n'avons pas encore abordé les causes qui m'ont poussé à maigrir. C'est plus des questions sur les antécédents psychiatriques par exemples, la situation familiale etc.

Dans la cuisine, on est 3 à chaque table: 2 patients, 1 soignant. On est séparé d'une baie vitrée en plastique, mesure anti-covid.

Le midi, en entrée, c'etait tomate et mozzarella bien saucé à l'huile d'olive. J'ai vraiment eu du mal... J'ai voulu manger uniquement la tomate mais Laure qui mangeait à ma table l'a vu, forcément... C'est mon premier jour en hdj donc ils me surveillent beaucoup. Tout ce que je ne mange pas est pris en note... Elle m'a dit:
" Les tranches de mozzarella entre les tomates, ça se mange aussi!"
Gnagnagna...
Bon du coup, j'ai fait un effort, j'ai mangé la moitié mais j'etais trop mal après...
Ensuite, c'etait des pâtes très huuleuses elles aussi, du chou romanesque et du thon... Ah. Mais il me semblait pourtant que je l'avais précisé que j'étais végétarienne...
En fait, à l'hôpital ils confondent végétarien et pesco-végétarien. Si tu leur dis que tu es végétarienne, eux, ils pensent que ça signifie que tu ne manges pas de viande mais que tu manges du poisson... Ils devraient connaitre la difference, surtout en tant que soignant!
Mais bon, ce n'est rien, Laure me l'a enlevé.
J'ai fait l'effort de manger un peu de pâte et pour le dessert, j'ai mangé une part de crumble.
Si j'avais pu, je ne l'aurais pas mangé. Mais je n'ai pas eu le choix.
Comme c'est ma première matinée ici, ils ont accepeté que je ne mange pas tout. Mais dès la semaine prochaine, je devrais tout manger! Je ne sais vraiment pas comment je vais faire.

Après le repas, Élisa est venue me voir pour convenir d'une date pour ma prochaine matinée en hdj.
Elle en a profité pour à nouveau me foutre un petit coup de pression. Elle m'a dit:
" Nous, on attend à ce que vous fassiez plus d'efforts. Si vous venez en hdj, c'est pour ça. Donc vous essayez de prendre 3 repas par jour. Vous essayez de prendre des collations entre chaque repas. Vous prenez vos compléments alimentaires. Le but, c'est vraiment de reprendre petit à petit du poids."
C'est un peu trop brutal pour moi de passer à 3 repas par jour,+ collations, + compléments alimentaires. Je ne sais pas à quoi ils s'attendent. Mais ça, c'est un changement trop radical, trop rapide. On dirait qu'ils oublient que c'est avant tout une maladie mentale! Et que notre motivation n'est parfois pas suffisante pour s'en sortir. Bien sûr ça aide, mais je pense que ça ne fait pas tout.
L'interne elle, elle me comprend. Elle m'a dit:
" C'est normal si c'est dur, c'est la maladie qui reprend le dessus."
Elle, elle a compris que ce n'était pas juste physique et qu'il ne suffisait pas juste de reprendre du poids pour guérir.

J'espère que la semaine prochaine, je me sentirais plus comprise et surtout que j'arriverais à manger au moins les repas de l'hôpital en entier et surtout sans culpabiliser...

La Vie En Hôpital PsychiatriqueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant