Chapitre 42: Une réponse de Fil santé jeunes

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Mardi 23 mars 2021.

Encore une nuit compliquée. La nuit prochaine, je mettrais mes bouchons, ça sera mieux qu'un somnifère même si je n'en ai pas pris cette nuit.
Je dors à peu près 4-5h00 par nuit pourtant je ne me sens pas trop fatiguée. C'est étonnant.

Ce matin, c'est l'infirmière que je n'aime pas qui est d'équipe. J'espère qu'elle ne sera plus là cette après-midi. Si c'est elle qui m'apporte mon plateau repas, ça sera aussi sûrement elle qui viendra le chercher. Je ne supporte pas de la voir quand elle débarrasse mon plateau.

Je pense que j'ai encore plus maigris depuis que je suis hospitalisée. Je dois faire 2 rebords à mon leggings sinon il ne tient plus à ma taille. Ophélie est satisfaite de voir ça...

Cette après-midi, je vois Anne. Elle veut m'apporter des écouteurs comme ça si je veux écouter de la musique le matin mais que je n'ai pas mon téléphone car il charge, je pourrais écouter avec mon MP3. Mais, j'ai intérêt à être discrète, je n'ai pas le droit aux écouteurs normalement.

J'ai eu un entretien avec une psychiatre. En moins d'une semaine, j'en aurais vu 3 différents! Niveau transmissions, ils ne sont pas très à jour. Je ne vais pas dire qu'il faut tout reprendre depuis le début mais il y a beaucoup de choses à répéter.
Aujourd'hui, on s'est surtout concentrée sur la communication avec mes parents. J'ai l'impression qu'ils pensent que le problème vient surtout de là. Comme si leur parler plus de ce qui ne va pas allait tout arranger. On ne se penche pas assez sur le principal problème. Même hier, quand je leur ai fait lire mon écrit, elles m'ont posé pleins de questions sur Ophélie, Alice, Marie et Chiara mais je n'ai pas l'impression qu'elles aient chercher à comprendre qui elles étaient. Elles n'ont pas essayé de comprendre pourquoi je désirais tant rester une enfant. Elles sont passées à coté de l'essentiel.
Elles m'ont posé pleins de questions sur mes parents. Elles ont essayé de comprendre pourquoi je n'arrivais pas à parler de mes problèmes à mes parents. Si c'était pour les protéger? Par peur de les inquiéter? La vérité, je pense que ce n'est rien de tout ça. Je n'arrive vraiment pas à savoir pourquoi je n'arrive pas à leur dire.
Elle m'a dit que des personnes souffrant d'anxiété sociale, elle en suivait pas mal et qu'ils ne faisaient pas de tentative de suicide et donc qu'elle pensait qu'il y avait autre chose. Les conséquences de la phobie sociale: l'isolement, la boulimie, les crises d'angoisse... c'est suffisant pour justifier des idées suicidaires ou pas encore?! Elle m'a énervé! On a tous une sensibilité qui nous est propre à chacun. Personne ne vivra jamais un même problème de la même manière, à la même intensité!

Mon père a accepté un rdv avec l'un des psychiatres qui me suit, demain à 17h00. Et ma mère a accepté qu'on lui téléphone.

L'infirmière que je n'aime pas était présente à l'entretien mais ça va, elle ne s'est pas mal comportée. Elle dit que quand ça va mal, on sent que c'est difficile pour moi d'en parler à un soignant, que même quand je dis que ça va, on sent que non, ça ne va pas trop...

Il faut que je prépare une lettre pour demain expliquant à mes parents pourquoi je vais mal ou au moins que je réfléchisse à ce que j'accepte de leur dire ou non.

J'ai terriblement peur de rentrer chez moi. Je ne veux pas retrouver ma chambre, cet environnement toxique. Je l'aime ma chambre parce qu'il y a tout mon univers mais en même temps, il y a tout mes problèmes là-bas. Ça va me rappeler le passé, mes blessures émotionnelles laissées sans soin...
J'ai peur de ce que je suis capable de faire si je rentre à la maison. J'ai peur de moi-même. Ma chambre à la maison me rappelle que je n'avance pas, que tous mes efforts sont vains, que ça soit pour trouver ma voie ou pour me débarrasser de mon anxiété sociale.
On me dit que je suis trop pessimiste. Mais qui ne le serait pas après avoir tant donné sans résultat?! Comment peut-on être optimiste quand la souffrance est présente depuis 8 ans, depuis nos 12 ans?! Comment peut-on être optimisste quand on a tout tenté? Et s'il n'y avait pas d'issue?!

Qu'est-ce qui m'amène à penser tout ça ? Je vais vous le dire. On m'a répondu sur Fil santé jeunes... Je ne vais citer que quelques phrases...
" Nous ne pouvons se substituer à toi et répondre à ta place, personne ne le peut: nous, les médecins, les psychiatres, les psychologues, tes proches."
En gros, c'est à moi et à moi seule de décider. Au début, la réponse m'a déçu. Mais en même temps, il a raison. En tant que professionnel de santé, il se doit de rester neutre. Personne ne peut répondre à ma place.
" De surcroît, tu es hospitalisée et tu es déjà entourée d'une équipe soignante interne et externe: nous ne pouvons pas interférer dans le travail thérapeutique que tu tisses avec eux."
Là encore, je sais qu'ils ont raison. À quoi je m'attendais?! À une solution à mes questions tout droit sorti d'un chapeau magique?! Et bien non, ce n'est pas possible...
"Plus tu t'éparpilles, plus les efforts pour t'en sortir se dissipe."
Là encore, c'est totalement vraie. Mais comment ne pas se dissiper? Je ne peux pas empêcher mes pensées de partir dans tous les sens. Elles sont un poison pour moi et me torturent.

Je veux comprendre ce qui m'arrive. Je veux qu'Ophélie disparaisse et en même temps, je veux qu'elle reste.

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