𝙲𝚑𝚊𝚙𝚒𝚝𝚛𝚎 𝚍𝚘𝚞𝚣𝚎

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Bonne lecture !

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Spencer essaye de se débarrasser du bruit alentour en se concentrant sur le tableau devant lui, mais c'est assez difficile.

Il n'y a pas beaucoup de voix dans cet endroit, à sa grande surprise : les postes de police, sauf ceux perdus au fin fond de la campagne, ont toujours leur lot de fantômes. Des femmes perdues, d'anciens flics, et même quelques enfants qui traînent là en essayant d'aborder quelqu'un. Spencer doit toujours faire attention à ne croiser aucun regard, à ne surtout pas montrer qu'il peut les entendre.

C'est arrivé, une fois. Il a eu l'impression d'étouffer lorsque la dizaine de morts s'est retournée vers lui avant de se presser à quelques centimètres de sa peau pour lui hurler dessus (de l'aide, surtout : ils veulent simplement parler à leurs familles ou encore trouver qui leur a fait ça ou bien tout simplement comprendre ce qu'il se passe). C'est la manière dont JJ lui avait alors attrapé le bras qui l'avait empêché de tomber à la renverse, couvert de sueur.

À présent, Spencer profite de ce poste presque vide : les fantômes sont rares ou alors silencieux, et les autres agents de l'équipe discutent activement avec les policiers en charge de l'enquête. Policiers qui ont l'air, d'ailleurs, pas mal remontés contre eux.

Il entend la voix de Hotch dans son dos :

— Monsieur Carter, calmez-vous tout de suite.

— Que je me calme ? C'est facile à dire pour vous !

Spencer ne les voit pas, les yeux fixés sur le tableau transparent où sont placées toutes les pièces importantes de l'enquête, mais il peut imaginer sans mal le langage corporel du policier qui les a accueillis deux jours plus tôt.

Il n'avait déjà pas eu l'air ravi de les voir. À présent, sa patience s'effiloche comme une pelote de laine entre les griffes d'un chat.

— Vous arrivez tous comme des sauveurs avec vos costumes et votre technologie de pointe, mais au final si personne ne réussit à attraper ce malade alors vous pourrez tranquillement rentrer chez vous et c'est sur nous que l'échec sera placé !

À leur arrivée, quand Pénélope s'est présentée devant lui en tendant sa main et en lui demandant la pièce avec le plus de prises de courant, l'expression de l'homme a fait hausser les sourcils de tous les profileurs aux alentours.

Un homme rustre, avec un ego assez important, qui ne supporte pas de demander de l'aide et qui supporte encore moins que ses méthodes puissent être dépassées.

— Au final qu'est-ce que vous avez fait ? Il y a deux victimes de plus, votre profil ne nous aide pas sur sa position, et aucun d'entre vous ne fait quelque chose ! Regardez-le, lui, ça fait au moins 40 minutes qu'il n'a pas bougé !

C'est à ce moment-là que Spencer arrête définitivement d'écouter, car il sait que le doigt de Carter vient tout juste de le pointer. Assis en tailleur sur la table, le corps courbé et les yeux brûlants, il essaye simplement de voir un schéma particulier. Quelque chose est là, dans le coin de son esprit, et il sent qu'un petit rien lui échappe.

Ses yeux sont lourds : il sait très bien que dans 13 minutes, cela fera 60 heures très précisément qu'il est debout. Ils sont tous fatigués, ils sont tous à cran, mais Spencer sent que quelque chose est juste là et qu'il est à ça de mettre le doigt dessus.

Ça l'irrite, ça l'énerve, car c'est un peu comme demander où est le sel alors qu'il est juste à côté de son assiette.

Les sons disparaissent autour de lui alors que son champ de vision se réduit encore plus intensément sur le tableau. La carte affichée, un plan de la ville très précis, semble le narguer : il a griffonné dessus toute la journée d'hier sans réussir à comprendre le schéma. Les victimes, toutes des femmes entre quarante et cinquante ans, semblent être retrouvées par hasard dans des ruelles. Ça n'a pas de sens, ça n'a pas l'air d'avoir de sens.

Quelque chose se déplace sur le côté, Spencer cligne des yeux, et soudain une femme est à deux mètres de lui à peine.

Il ne sursaute pas, n'ouvre pas la bouche, n'écarquille pas les yeux. Elle est là, avec des vêtements ensanglantés, ses cheveux emmêlés, et des bras pendants. Son expression est triste, pleine de douleur : elle n'émet tout d'abord pas un son, et Spencer n'a pas besoin de relever la tête pour jeter un coup d'œil à la photo de la troisième victime.

Il sait que c'est elle. Il attend.

— Les morts, souffle-t-elle.

Il n'a jamais entendu sa voix, mais étrangement Spencer trouve qu'elle lui va bien. Légèrement rauque, pas très puissante, plutôt abîmée.

— C'est toujours... les morts.

Ça n'a pas de sens, pourtant Spencer écoute attentivement. Elle ne va pas simplement lever le doigt, pointer un endroit sur la carte, et donner un nom. Ils ne le font jamais.

— Il cherche.... les morts.

Du sang goutte sur le carrelage, sa bouche se referme, et elle fixe Spencer droit dans les yeux pendant de longues secondes. Le silence est incroyable, il peut presque entendre ses oreilles siffler.

Un instant elle est là, et celui d'après elle n'y est plus.

Une main se pose sur son épaule, et Spencer fait un bond qui le fait chuter maladroitement de la table. Ses jambes engourdies le rattrapent de justesse, pile au moment ou deux larges mains lui attrapent le bras pour le maintenir debout.

Les sons reviennent comme une claque ; son regard croise celui de Hotch. Ses sourcils sont froncés.

— Reid, tout va bien ?

— Il s'était endormi en plus ? Génial.

Gideon se déplace à côté du tableau tout en lui retournant une expression curieuse. Spencer se décale, fait en sorte qu'Hotch le lâche enfin, puis se détourne à la recherche d'un feutre noir. Ses doigts en repèrent un rapidement ; il le débouchonne en s'avançant vers la carte.

— Le suspect est discret, pas forcément à l'aise en société, et il fait éventuellement un travail ingrat. On ne le remarque pas, on ne fait jamais attention à lui. Toutes les victimes ont perdu quelqu'un et même si ce n'est pas dans les mois précédents leur disparition, le fait est qu'elles ont toutes perdu quelqu'un.

Ses yeux parcourent la carte, tandis que ses doigts tremblent un peu. Son cœur bat tellement fort dans sa poitrine qu'il la sent vibrer. Gideon croise ses bras sur son torse.

— Oui, c'est bien pour ça qu'on a cherché du côté des cercles de parole, des hôpitaux, et on a même remarqué qu'elles avaient toutes consulté des médecins se trouvant dans le même quartier....

— Coïncidence. C'est une coïncidence.

Il trace des traits, depuis les lieux de découverte des différents corps jusqu'à un endroit reflété en vert sur la carte. Vu du haut, cela ressemble à un petit parc ou à une place.

— Reid, qu'est-ce que tu vois ? demande Morgan.

Encore quelques traits, puis finalement un cercle parfait qui englobe tous les points importants.

— C'est un cimetière. Elles n'avaient pas d'habitudes précises alors c'est pour ça qu'on a cru qu'elles s'étaient faites enlever en revenant du travail, mais en fait elles se rendaient simplement....

— Au cimetière, répète Gideon avec des sourcils haussés.

— Il y en a deux dans le rayon d'action du suspect, et un seul qui.... qui se trouve à plus ou moins 6 à 10 kilomètres de chaque victime.

Quand il a fini, Spencer repose le feutre dans l'encoche sous le tableau avec des gestes saccadés, et se retourne vers l'équipe. Ils ont tous la même expression, celle qui s'affiche quand la fin est proche et que le nœud a enfin été défait ; les policiers un peu plus au fond le fixent tous.

— Bon boulot, Reid, acquiesce Hotch. Demande à Garcia de nous envoyer l'adresse sur les GPS, on part immédiatement.

Les sons reviennent petit à petit, après ça. Le téléphone à l'oreille, prêt à partir dans l'embrasure de la porte, Spencer lance un dernier regard à l'endroit où se trouvait la femme.

Il n'y a plus personne.

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Des bisous !

La mort entre tes bras || Spencer ReidOù les histoires vivent. Découvrez maintenant