𝙲𝚑𝚊𝚙𝚒𝚝𝚛𝚎 𝚝𝚛𝚎𝚗𝚝𝚎-𝚍𝚎𝚞𝚡

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Bonne lecture !

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Le bureau est toujours plus silencieux que le reste.

C'est curieux, et la première fois qu'il est entré Spencer n'a pas bien compris pourquoi : des étagères de livres, une pièce assez large, un fin bureau en bois clair. Le docteur n'est pas très vieux, mais pas forcément jeune comme lui. Dix ou douze ans de plus. Une chemise sans cravate, un pantalon bien taillé, et une blouse ouverte qui recouvre ses épaules étroites.

Il note toujours quelques mots pendant leurs séances. Dans un bloc-note tout ce qu'il y a de plus banal, qu'on trouve facilement en supermarché.

— Alors, Dr Reid ? Comment vous vous sentez ?

Spencer se replace dans la chaise où il est assis. Il prend le temps de terminer son tour de la pièce, puis pose son regard sur son médecin.

— Je ne sais pas trop.

— Je vois que vous avez été en centre pendant trois jours, la semaine dernière.

— Vous pouvez dire interné, vous savez. Je ne vais pas me fâcher.

Le docteur penche la tête sur le côté.

— La dernière fois, vous avez cassé mon coupe-papier en vous mettant en colère.

Spencer grimace franchement. Il se ratatine légèrement sur son siège.

— Désolé pour ça.

— Ne le soyez pas. Je veux juste essayer de vous mettre à l'aise. Vous avez l'air en forme, aujourd'hui.

Spencer baisse les yeux sur ses ongles courts. Il les a rongés un à un dans la salle d'attente. Son pouce saigne, et il remarque une tache sur son pull.

— Ça va. Je suis rentré avant-hier. Je me sens bien.

— Pas trop fatigué ?

— Non.

— Pas d'effets secondaires ?

Il prend le temps de réfléchir, pendant que le docteur note des choses. Son stylo est argenté, fin et élégant.

— Hotch en a un pareil, dans son bureau.

— Des effets secondaires ? insiste-t-il.

— Oh. Non, je crois pas. J'ai mal au ventre, en revanche. Oh, en fait je crois que cette combinaison me coupe l'appétit.

Il a essayé de se faire une liste de choses à dire, avant de partir, mais il l'a oubliée dans la cuisine. Aaron était déjà parti bosser.

— Tout se passe bien dans votre couple ?

— Pourquoi ?

Son ton est un peu trop brusque, un peu trop sur la défensive. Le médecin le remarque et prend de nouvelles notes.

— Vous l'appelez Hotch à nouveau.

— Oh. Je trouve ça juste plus simple.

— Vous discutez, dernièrement ?

— Je suis pas de très bonne compagnie. J'aimerais bien rentrer chez moi, mais...

— Vous savez que vous ne pouvez pas vivre seul. C'est dans le marché.

De nouveaux médicaments, un suivi régulier. Une surveillance plus ou moins constante. Spencer soupire.

— Je sais.

— Vous vous êtes disputés ?

— Non.

— Vous êtes sûr ?

— Oui.

Il se renfrogne légèrement.

— Est-ce que le mot couple vous dérange, Dr Reid ?

Sa mâchoire se serre un peu.

— Pourquoi ?

— Vous semblez réagir étrangement. Je veux juste savoir où on se trouve. Si on est de retour dans la phase....

— C'est bon, c'est bon. Je sais, j'ai compris. Oui, ça me dérange.

— Pourquoi ?

— Vous savez pourquoi.

— Vous vous souvenez me l'avoir dit ?

— Je me souviens de notre discussion sur ma mère.

— Et sur M. Hotchner.

Spencer soupire à nouveau.

— Il devrait juste me laisser interné. Je ne sais pas pourquoi il a signé ces papiers. Il a un fils, vous savez ?

— Je sais, oui.

— Il a bien assez de boulot comme ça.

— Vous vous considérez comme du boulot ?

Il le fusille du regard. Le docteur n'a jamais l'air très étonné, ou très sympathique : ça dépend des séances, mais parfois Spencer a bel et bien envie de retourner son bureau et de partir en claquant la porte. Il appuie toujours là où ça fait mal. Il le force toujours à dire les choses : des choses que Spencer ne comprend pas forcément.

Mais qu'il est quand même obligé de détailler.

— Je préfère quand les médicaments me font dormir. Au moins, j'ai pas envie de m'énerver pour des conneries.

— Comme maintenant ?

— Comme maintenant. Et comme tous les jours depuis deux semaines.

— Mmh. Les effets secondaires jouent sur votre humeur. Ce ne sont toujours pas les bons.

Spencer serre les lèvres. Il le sait : il l'a su au moment même où sa colère est redescendue après qu'il n'ait pas réussi à mettre la table sans casser une assiette. Des mains tremblantes, une vision pas très nette, et un mal de ventre qui ne passe pas.

Et des émotions en vrac, qui lui donnent envie de hurler sur Aaron pour tout et n'importe quoi.

Parfois, il attend simplement qu'Aaron Hotchner rentre du boulot, et lui dise enfin que c'est trop dur et que Spencer serait mieux dans un institut spécialisé. Car Spencer ne dort pas (ou ne fait que ça), ne travaille pas, n'arrive plus à lire, ne sort plus seul, et n'ose pas rester seul avec Jack. Il ne voit personne, n'a envie de voir personne, ne s'approche plus d'un téléphone, et écrit des lettres illisibles pour sa mère qu'il n'envoie même plus.

— Ça va venir, Dr Reid. Il faut juste un peu plus de temps.

Et Spencer essaye de comprendre. Il essaye vraiment, passe le reste de la séance à répondre aux questions, puis finit par vomir dans la corbeille pas très loin.

Ce ne sont pas les bons.

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Des bisous !

La mort entre tes bras || Spencer ReidOù les histoires vivent. Découvrez maintenant