Rencontre

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« Il faudra que je vous parle, maman et toi, ce soir.

- D'accord, Light, ce n'est pas trop grave ?

- Non, ne vous inquiétez pas. À ce soir.

- C'est ça, à ce soir fiston. »

Light avait averti ses parents de leur futur petite discussion le matin, avant d'aller en cours. Ainsi, il ne pourrait pas se dégonfler, le soir venu, à l'heure de la confrontation.

La journée s'étala, chargée de cours d'un ennui mortel. La récréation ne valait pas mieux, entre les filles qui pépiaient des hypocrisies à leurs amies avant de répandre des rumeurs dans leur dos, et les garçons jouant à qui serait le plus idiot. Mais avant qu'il ne puisse s'en rendre compte, le temps avait filé, de cours en récréations et de récréations en cours ; Light était maintenant sortit du lycée et marchait en direction de sa demeure.

Soudain, le stress monta. Dans quelques heures, il se confesserait comme gay à sa famille. Alors qu'il longeait des jardins morts constellés de couleurs automnales, sous un beau ciel gris, et qu'il respirait l'air frais du soir tombant, il sembla à Light qu'il ne cheminait plus vers son foyer. Plutôt vers l'abattoir.

Light soupira. Il s'imaginait déjà les questions de son père, et les réponses qu'il donnerait s'il était honnête. Oui, j'aime un homme. Oui, je suis sûr. Non, ce n'est pas une blague. Non, ce n'est pas une phase. Oui, je déshonore mon père. Oui, je suis la honte de la famille.

Oui, c'est un homme, combien de fois vais-je le répéter ?

Au mieux, une petite dispute. Au pire, un froid pendant plusieurs années, un déshéritage, une expulsion de la maison peut-être. Ses rapports à sa famille changeraient définitivement. Et ça, Light n'était pas sûr d'y être prêt. Mais il le ferait. Ça oui, il le ferait. Pour Ryûzaki, mais surtout pour lui-même.

Mais même si sa famille l'acceptait, serait-ce la fin des problèmes ? Light pouvait peut-être changer la mentalité d'une famille, mais faire évoluer celle de la société entière serait un autre défi.

Peut-être lui et Ryûzaki craindraient de se tenir la main dans la rue, peut-être devraient-ils se présenter en tant que colocataires et non en tant que couple, aux nouvelles connaissances. Sans cesse ils seraient prudents, par craintes des agressions.

Les agressions : coups, viols, et meurtres. Chaque semaine, Light entendait parler de tels évènements. Chacune de ces horreurs venait apporter sa pierre à cet édifice de haine et de discriminations. Mais le pire, pour Light, était le fait que n'importe qui, quel que soit son orientation sexuelle, son apparence ou ses croyances, pouvait être touché.

N'importe qui.

N'importe qui.

Cela obsédait Light. « N'importe qui » l'incluait. « N'importe qui » incluait Ryûzaki.

Light s'imagina, vision d'horreur, le visage de son petit ami, couvert d'hématomes et de bleus. Ou dans le coma, à l'hôpital. Ou bien encore, les paupières closes, le couvercle du cercueil se refermer sur lui, ainsi que la terre l'enfouir.

Si cela arrivait, Light ne saurait pas trop quoi faire. Il pleurerait. Il serait inconsolable. Sûrement ne voudrait-il qu'une seule chose : s'allonger à côté de la pierre rectangulaire, à plat contre la terre, dans l'herbe verte, et y dormir pour toujours.

Oh ! Imbécile qu'il était ! Il ne pourrait même pas pleurer à l'enterrement de Ryûzaki, car il devrait cacher qu'il était son amant.

C'est en parvenant à cette conclusion puérile que Light compris que le monde était pourri jusqu'à la moelle.

L'Enfer est de papierOù les histoires vivent. Découvrez maintenant