L'Enfer est de papier

Confrontation

Cérémonie de rentrée de l'université Tôô.

- Voici la présentation des nouveaux élèves. Light Yagami sera leur représentant.

Light Yagami, tiré à quatre épingles, un petit sourire de fierté au visage, monta sur l'estrade.

Mais le présentateur continua :

- Il ne sera pas seul cette année, car une autre personne a terminé premier à l'examen, ex-aequo avec le maximum de points possibles, j'ai nommé Hideki Ryûzaki !

Light se demanda un instant s'il n'avait pas mal entendu. Le doute ne fut plus permis quand il tourna la tête en direction des escaliers. Un homme voûté, les cheveux noirs en bataille, progressait le long des marches. Il atteint l'estrade, et la cérémonie commença.

Toute la présentation durant, l'homme ne décocha pas un regard à Light. Celui-ci eu beau lui adresser des gestes discrets, il l'ignora. En pleine incompréhension, Light faillit même rater son discours.

Quand la présentation fut terminée, les élèves redescendirent. Light sauta sur l'occasion pour parler à son petit ami. Il commença par le féliciter, puis l'assaillit de questions. Celui-ci se murait toujours dans le silence ; sa main jaillit, brusquement, et lui agrippa la manche.

Trop surpris pour réagir, Light fut tiré par son petit ami jusqu'à une salle vide où Ryûzaki claqua la porte. Il relâcha sa prise, et plongea ses grands yeux dans les siens.

- En vérité, je suis L.

La révélation assomma Light.

Ryûzaki ... était en fait L, le détective qui le traquait depuis tout ce temps ? Il était venu arrêter Light ? Non. Light était à peu près sûr de n'avoir laissé aucune preuve pouvant entrainer une arrestation. Que faire ?

Pour l'instant, il valait mieux être prudent, et faire l'innocent en attendant de voir à quel point il était compromis.

Il se força à sourire et laissa éclater une fausse joie.

- Mais c'est génial !

Ryûzaki le fixa d'un air surprit.

- Incroyable, continua Light, en même temps, au vu de ton intelligence, je ne suis pas si étonné ! C'est pour cela que tu parles peu de ta vie privée ... En vrai mon copain n'est pas un lycéen, mais L, le plus grand détective au monde !

Ryûzaki se rembrunit, l'air déçu.

- En temps normal, ton enthousiasme m'aurait touché. Dommage ...

- Hein ?

- Dommage que tu ne penses pas un traître mot de ce que tu viens de dire. Le fait que je sois L ne te rends pas si heureux que ça. J'ai faux ?

Il avait tout à fait juste, mais Light ne pouvait pas l'avouer. Cela s'annonçait mal ; il se sentait s'enfoncer dans le mensonge.

Ryûzaki dit soudain :

- On devrait arrêter, tu ne crois pas, Light ?

- Arrêter quoi ?

- Nous deux ...

- Mais qu'est-ce que tu racontes ? Je ne comprends rien à ce que tu insinue ! Le fait que tu sois L ne change rien, parce que je t'aime. Ne viens pas parler séparation maintenant.

- Pourtant, L et Kira ensemble, ça me semble impossible.

- Tu ... tu me soupçonne d'être Kira, c'est ça ?

- Je ne te soupçonne pas, Light, j'en suis quasiment sûr. Ton comportement devant les caméras a achevé de me convaincre.

- Les caméras ?

Light s'empêcha de grimacer. Jouer l'innocent devant Ryûzaki s'avérait plus ardu que prévu. Celui-ci leva les yeux au ciel.

- Bien entendu, tu fais comme si tu ignorais qu'on avait posé des caméras chez toi. (L coupa Light qui s'apprêtait à répliquer.) Ne répond pas, cela t'empêchera d'avoir à mentir. Tu as bien changé, Light. J'ignore pourquoi je te parle encore. Chacune de tes paroles me semble hypocrite. C'est drôle. Tu me dis quelque chose, tu souris. Et moi je me dis « il ment ». Tout ça à cause de Kira. Et temps que je n'aurais pas découvert la vérité, chacun de tes rires deviendront frissons dans ma nuque.

Light répliqua ridiculement :

- Mais Ryûzaki ! Je ne suis pas Kira ! Je ferai tout pour te le prouver ! Dis-moi, dis-moi juste ce que je peux faire.

- Pour l'instant Light, soupira Ryûzaki, le mieux que tu puisses faire c'est trancher les liens que nous avons tissé. J'attendrai que ton innocence soit prouvée. Car s'il s'avère que mon petit ami est Kira ...

Sa voix se brisa un instant. Sa lèvre tremblait.

- Je ne suis pas sûr d'avoir la force de l'arrêter.

Light sentit sa gorge se nouer. Oh Ryûzaki ... Il aurait aimé arrêter sa souffrance et lui prouver qu'il n'était pas Kira. Le problème, c'est que son petit ami avait parfaitement raison sur toute la ligne. Comme il l'avait si bien dit, chacun de ses sourires était un masque.

Comme tentative de réconfort, il pressa les mains froides de Ryûzaki. Mais ce dernier les lâcha. Il se dirigea vers la porte, l'ouvrit, et avant de sortir, ajouta :

- Quand nous nous reverrons, ce sera en tant que suspect et détective.

La porte claqua. Light, se retrouvant seul, sentit ses jambes le lâcher. Couvert de sueurs froides, il tomba à genoux. Une larme coula sur sa joue, rapidement suivie d'autres.

- Ryûzaki !

Il l'avait perdu.

Ryûk, assis dans un coin de la pièce, avait - dieu merci ! - assisté à la conversation sans faire de commentaires. Il laissa échapper un ricanement.

- Ton mec le détective, on s'y attendait pas ! On peut dire que t'as tiré le numéro gagnant !

Tais-toi Ryûk ...

Mais Ryûk semblait disposé à entamer un brin de causette !

- Mais du coup, tu vas essayer de le buter ou pas ?

- Même si je le voulais, je ne pourrais pas, car il est évident que "Ryûzaki" est un faux nom ! Et même si c'était un vrai, me débarrasser de lui maintenant équivaudrait à avouer que je suis Kira. Mais surtout ...

- Surtout ?

- Je préférerais sauter d'un toit plutôt que de le tuer.

Le rire de Ryûk s'accentua. Il s'imaginait peut-être la scène.

- Bah si t'y tiens ! Mais tu sais, tu as qu'à renoncer au Death Note !

Renoncer au droit de possession du Death Note ... Peut-être était-ce la solution ? A cause de ce maudit cahier, il venait de perdre la personne la plus importante à ses yeux.

Tout arrêter. Ainsi, il aurait peut-être son happy end avec Ryûzaki. C'était terriblement tentant ...