Enfermement

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L ouvrit la porte du cabinet d'enquête. Il parcourut à pas feutrés la distance qui le séparait de son fauteuil. Comme un fantôme.

Pour les enquêteurs, occupés à milles activités passionnantes telles que revisionner intégralement les enregistrements vidéo de la famille Kitamura, L s'était téléporté. Ils avaient tourné la tête et pouf ! Leur chef était assis à un mètre d'eux.

Soichiro Yagami lui aboya un bonjour. L'intéressé, replié sur lui-même, la tête contre les genoux, n'entendit pas.

Englouti dans une sphère sans lumière. Les enquêteurs percevaient presque le halo sombre qui entourait Lawliet, comme une couverture de nuit. Mais que pouvaient-ils faire ?

Watari, le protecteur, le père de substitution, vint. Il posa sa main sur l'épaule de L, qui tressaillit, puis s'apaisa. Il pressait avec douceur, soutient discret.

Watari n'était pas dupe. Il savait parfaitement que se jouait une terrible bataille, bien au-delà de la simple enquête. Il relâcha son étreinte pour aller dans la cuisine. Il ne pouvait pas aller plus loin que ce muet réconfort : son protégé devait combattre seul.

Un trou noir absorbait l'âme de Lawliet.

Des mots, des phrases, des idées surgissaient, tourbillonnaient à la surface de la sphère, comme des cyclones sur mars qui hurlent, hurlent, à tous vents.

Le dialogue ? Non, il n'en avait pas le courage. Faire un scandale ? Tout révéler ? Non, il n'en avait pas la force. Retourner malgré tout ? S'excuser ? Supplier ? Non, il avait trop d'honneur. Se raisonner ? Renoncer ? Non.

Beaucoup, à sa place, se seraient liquéfiés de larmes.

Mais L ne savait pas, n'avait jamais su comment on s'y prenait pour pleurer.

Cette matière, faite de pensées, brûlantes et obscures, tourbillonnait autour du détective. Le champ d'énergie acheva révolution sur révolution, des heures durant.

La pâte s'épaissit. La vitesse s'amoindrit. Un changement s'opérait. Comme on tourne au vinaigre, le désespoir se mua en colère.

Une colère sourde. Une colère noire.

Les enquêteurs ne prêtaient plus attention à la présence de L, bien trop occupés à visionner la retransmission de la chambre d'amis.

Soudain, une voix s'éleva.

- Nous allons placer Misa Amane sous détention. La probabilité qu'elle soit le second Kira s'élève à 73%.

L avait relevé la tête. Il fixait tous ses hommes avec froideur. Les enquêteurs protestèrent. L rétorqua que Misa et Light s'étaient rencontrés au moment où il avait déduit que les deux Kira étaient rentrés en contact.

- C'est vrai, intervint le père Yagami. Mon fils nous l'a présenté récemment comme étant sa petite amie. Mais comment diable le savez-vous ?

L laissa glisser la question, et poursuivit :

- Nous allons la ligoter et lui bander les yeux. Nous l'observerons 24 heures sur 24 pendant une longue période. Deux mois devraient suffire.

Les membres du cabinet d'enquête protestèrent que ça ne serait pas respecter les droits de l'homme. L les ignora. Il fit mine d'engloutir ses donuts.

Maintenant qu'il avait perdu Light, la seule chose qui lui importait était son jeu avec Kira.

Et L détestait perdre.

28 mai 2004

Misa, muette comme une tombe, vêtue de haillons, les yeux bandés par un masque de fer, faisait peine à voir.

L'Enfer est de papierOù les histoires vivent. Découvrez maintenant