6| La chambre

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MAIA

— Aïe !

Je retire prestement ma main et la porte à ma bouche, les sourcils froncés. Plus j'y pense et plus je me dis que j'aurais peut-être dû laisser ce chat aux voisins, finalement.

Non seulement Mimi – il m'a fallu des jours entiers pour réussir à trouver son nom écrit sur des vieux papiers de ma tante – est sauvage, mais elle est aussi insupportable. On dirait qu'elle essaie de me faire payer le fait que sa maîtresse l'ait laissée tomber : elle me griffe quand je la prends dans mes bras, mordille méchamment mes chevilles quand je ne la nourris pas à vingt heures précises et feule de façon agressive quand je passe trop près de sa litière. Bref, je préfère définitivement les chiens aux chats et l'avantage, c'est qu'elle me le rend bien.

Quand je retire ma main de ma bouche, je constate que Mimi m'a laissée une belle griffure d'où le sang perle toujours. Aussi, je décide qu'il serait mieux d'aller désinfecter tout ça et m'engage dans l'escalier en contournant la bête sauvage.

— Cet animal va finir par avoir ma mort, grogné-je entre mes dents en m'engageant dans l'escalier juste après avoir croisé son regard menaçant.

Une fois sur le palier, je vais jusque dans la salle de bains et retourne tous les placards à la recherche d'une boîte de pansements. Malheureusement, impossible d'en trouver une parmi tout le foutoir du placard à pharmacie de ma tante. Elle avait des tas de qualités mais alors « ordonnée » n'en faisait décidément pas partie.

Tout en fouillant dans la pièce carrelée du sol au plafond, je m'efforce de contenir le sang qui s'écoule avec un mouchoir mais ça commence à me brûler.

Mais, il y a peut-être des pansements dans...

Je m'immobilise, le cœur battant. Non, non, tout mais pas ça.

Seulement, au bout d'un bon quart d'heure de recherche, je pisse toujours le sang et je ne trouve aucun pansement. Ce chat m'a griffé jusqu'à l'os et j'ai intérêt à vite me bouger le cul, sinon je vais devoir me scotcher un mouchoir autour de la paume comme une clocharde.

Alors, je sais qu'il ne me reste qu'une seule solution.

Je sens le sang pulser dans mes veines tandis que je traverse le couloir, la pointe de mes talons faisant craquer le parquet sur mon passage. Puis, une fois devant la porte de ma chambre d'adolescente, je m'arrête et prends une grande inspiration.

Depuis que je suis revenue à Bellevue, je ne suis pas retournée dans cette pièce. Jusque-ici, j'étais d'ailleurs fermement décidée à l'éviter jusqu'à mon départ et à faire venir des déménageurs pour s'en occuper lorsque la maison serait vendue, histoire que je n'ai même pas à y remettre les pieds avant de quitter cet endroit pour toujours.

J'ai peur de sentir de nouveau la moquette sous mes pieds et de revoir les murs couleur crème sur lesquels des tas de posters étaient accrochés. J'espère du plus profond de mon cœur que cette pièce a été transformée en chambre d'amis ou mieux, en bureau. Un bureau froid et impersonnel, de préférence.

Alors, après une hésitation interminable, je pousse la porte qui s'ouvre dans un grincement.

Aussitôt, mes yeux se posent sur le lit une place que j'avais à l'époque. Mes yeux s'embuent en repensant à toutes les heures que j'ai passées dessus allongée sur le ventre à lire ou à réviser mes cours, persuadée que je travaillais dur pour rejoindre Daphné à la fac de la ville.

Mes jambes me guident toute seule à travers la pièce et s'arrêtent devant chaque meuble, qui n'a pas changé depuis que je suis partie. Il manque toujours un bouton de tiroir à ma commode à la peinture écaillée, le set de table qui protège mon bureau en bois est toujours strié de feutre et les rideaux sont toujours mal attachés autour de l'unique fenêtre, exactement comme je les laissais toujours puisque je ne savais pas les nouer proprement.

GRENADEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant