12| Le dessin

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HÉLIOS

Le jour où je suis censé dessiner Maia, je ne dors pas de la nuit.

Je n'arrive pas très bien à saisir pourquoi mais mes yeux se rouvrent tous seuls chaque fois que je les ferme. Je fais les cent pas dans ma chambre, me recouche, me relève, marche encore une fois puis me recouche encore. Au bout de deux longues heures à répéter ce schéma au beau milieu de la nuit, je décide qu'il est temps de m'occuper : aussi, j'attrape un stylo et griffonne dans mon cahier. Je remarque au passage qu'il est quasiment terminé et que la plupart des pages ont été noircies de dessins, de pensées et de poèmes. Certains sont en allemand, d'autres en français.

Quand j'ai commencé à remplir ces cahiers, c'était principalement parce que je m'ennuyais. Je griffonnais dans les marges de mes feuilles de classeur pendant les cours et petit à petit, j'ai décidé qu'un cahier spécifique pour ces dessins-là pourrait être utile. Et puis au fil des années, j'en fini par en remplir des dizaines – environ deux par an si je ne me trompe pas.

J'aime penser que c'est de l'art, même si je sais que je suis loin d'être ce qu'on appelle un artiste. Seulement, selon moi, l'art est simplement une chose qu'on créé et qu'une personne trouve belle à un moment donné de son existence. Un objet, un sentiment, quelque chose qu'on admire et chérit et qui bouleverse nos convictions et la personne qu'on croyait être.

Bêtement, je me suis demandé cette nuit si Maia pouvait être considérée comme une œuvre d'art. J'ai finalement décidé que oui, parce que même si j'étais avec elle dans un musée mes yeux ne quitteraient jamais les siens.

Ça peut avoir l'air romantique mais si vous voulez mon avis, ce que je raconte est plus idiot qu'autre chose. Cette fille ne m'aime pas, c'est évident, et je suis con de m'accrocher à elle comme une moule à son rocher. Con, con, con.

— Alors, elle arrive quand ? grogne soudain une voix à ma porte.

Je lève les yeux sur Allison, à moitié noyée dans son immense sweat multicolore. Elle a sa mine des mauvais jours : grands yeux noirs plissés et cheveux emmêlés.

— Pour la dixième fois : à vingt-et-une heures.

— Elle aura déjà mangé ? renchérit ma sœur.

— Normalement oui.

Allison jette un regard désinvolte à ses ongles comme si elle se fichait totalement de la situation avant de rétorquer :

— Oh, et moi qui comptais empoisonner ses pâtes...

Je lève les yeux au ciel avant de lui lancer une chaussette – ne me demandez pas pourquoi ça traîne près de moi, mon bordélisme est un sujet sensible.

— Laisse-la tranquille, OK ? la défends-je. Je l'ai invitée et tu ne vas pas la voir de la soirée. D'ailleurs, vous n'étiez pas censées aller au cinéma avec Daph' ce soir ?

Allison me lance un regard diabolique.

— Oui, mais j'ai annulé. Je voulais être sûre que vous ne fassiez pas de bêtises.

— Oh putain, grommelé-je.

— Quoi, c'est mon rôle ! Si tu couches avec une fille alors qu'on est dans la pièce d'à côté, c'est normal que je...

— Wow, wow, wow ! la coupé-je. Primo, on ne va pas coucher ensemble – en tout cas, ce n'est pas au programme. Deuzio, tu peux aller te faire foutre étant donné que je sais très bien que vous ne jouez pas au UNO quand je sors le vendredi soir !

Allison arque un sourcil.

— Ouais mais comme tu dis, tu es sorti. Et sache qu'on joue vraiment au UNO.

GRENADEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant