24| Le grand nord

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HÉLIOS

ce soir, 20h, conseil de famille dans le salon

(daphné ma reus' t'es évidemment invitée)

(allison ta présence est également tolérée)

bisous

-lili

Je ne peux m'empêcher de me ronger les ongles en repensant au mot que j'ai scotché sur la porte d'entrée avant de partir en cours ce matin. J'ai mal au ventre à l'idée de ce que je vais leur annoncer, mais je n'ai pas le choix. Elles le méritent.

Je jette un coup d'œil rapide à ma montre. Dix-neuf heures cinquante-six. Je suis pile à l'heure.

Les bras chargés de sacs en papier cartonné, je manque de me prendre les pieds dans Mimi, qui dort sur l'une des marches du perron. Depuis que Maia a proposé à Daphné de garder le chat pendant son absence, on dirait que celle-ci a bien compris le message et qu'elle s'habitue d'ores et déjà à prendre ses marques chez nous.

Après avoir donné un coup de clé dans la serrure, je m'engouffre dans les escaliers et arrive péniblement à l'étage, où je tombe nez-à-nez avec les filles qui m'attendent déjà impatiemment dans le salon.

— Salut, dis-je en déposant les sacs sur le sol.

Elles ne me répondent pas, se contentant de me lancer un regard sévère.

— « Conseil de famille » ? dit Allison en brandissant mon petit mot en l'air. Tu prends les devants pour qu'on t'en veuille moins parce que tu as séché les cours ?

J'arque un sourcil.

— T'étais avec moi, débile.

— Ce n'est pas une raison !

Je roule des yeux en retirant mes chaussures d'un coup de pied. Tandis que je ramène les sacs sur la table basse, j'annonce fièrement avec mon sourire de frère-et-coloc-modèle :

— Je suis passé au restaurant vietnamien – et oui, avant que tu ne me le demande : j'ai demandé des nems sans salade pour toi, Allison.

Ma sœur, qui s'apprêtait à me couper la parole, referme la bouche d'un air satisfait avant de se jeter sur l'un des sacs à la recherche de sa nourriture. Daphné, elle, semble plus sur la réserve.

— Qu'est-ce qui se passe ? demande-t-elle, un pli d'inquiétude barrant son front.

— On peut en parler après manger, non ? proposé-je en espérant détendre l'atmosphère.

— Pas question, répond Daphné d'un ton catégorique en croisant les bras sur sa poitrine. Je me ronge les ongles pour toi depuis seize heures alors abrège mes souffrances, s'il te plaît.

Je pousse un léger soupir avant d'acquiescer. Elle a raison : ce n'était pas très juste de ma part de leur dire que j'avais quelque chose d'important à leur annoncer et de les faire attendre plusieurs heures avant de le leur avouer. Aussi, je fais signe à Daph' de s'asseoir – Allison étant déjà confortablement installée dans l'un des fauteuils, un nem dans chaque main – et prends une grande inspiration avant de commencer :

— Bon, je ne sais pas trop comment vous dire ça, mais, hum... C'est... OK, je me lance. Pfiou. Euh...

Inspire, expire.

— Je quitte la coloc', annoncé-je d'une traite.

Ma révélation tombe comme un coup de grisou dans une grotte, tuant tous les mineurs sur son passage. Un silence assourdissant emplit la pièce et les deux filles me regardent avec un air choqué.

GRENADEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant