MAIA
Depuis que j'ai revu Sam au gala, son visage n'arrête pas de me hanter.
Cette semaine, il était dans chacun de mes cauchemars. J'avais des flash-backs douloureux et je revivais ce soir-là, encore et encore, avec toujours la même fin.
À savoir, moi qui prend un sac à dos et qui quitte la ville.
Chaque fois, je me suis réveillée en sueur, les cheveux collés à mes tempes et le cœur affolé. Ensuite, je reprenais ma respiration et montais jusqu'à l'étage, où je m'asseyais devant la porte de ma chambre d'adolescente pendant des heures sans jamais entrer.
Aussi, après avoir si peu dormi ces derniers jours, j'ai une vraie tête d'enterrement ; porter mes lunettes de soleil alors qu'il ne fait même pas vraiment beau dehors était donc une nécessité. Et puis, ça me permet aussi de ne pas être reconnue.
Tandis que je jette un coup d'œil anxieux à mes ongles tout en me mordillant l'intérieur de la joue, j'entends une sonnerie mélodieuse retentir quelques mètres plus loin. Aussitôt, je relève la tête, pile à temps pour que mes yeux se posent sur le flot d'enfant qui s'apprête à sortir de l'école.
Les premiers enfants à sortir sont grands, trop grands. Je leur donne au moins huit ans, voire dix pour certains. Leurs sourires édentés sont aveuglants – même sous mes lunettes de soleil – quand ils retrouvent leurs parents et les enlacent, visiblement tout heureux d'enfin rentrer chez eux.
Plusieurs classes sortent ensuite, jusqu'à ce que l'une d'elle m'interpelle. Les enfants sont relativement petits – entre cinq et six ans je dirais – et attendent à la grille que leurs parents viennent les chercher. Ma poitrine se serre tandis qu'ils partent un par un.
Je guette une tête châtain dans la foule de gosses, mais je n'en vois aucune. Mon cœur se gonfle de déception à l'idée que je sois venue pour rien toutes ces fois, que je sois partie en pleurant avant le moment fatidique de croiser son regard.
Elle n'est sûrement même pas dans cette école, pensé-je avec amertume.
Mes yeux me piquent sous mes lunettes de soleil, alors je les soulève légèrement pour pouvoir me frotter les paupières histoire de reprendre mes esprits. Le truc, c'est que je n'avais pas anticipé que quand les ouvrirai, je la verrais.
C'est bête, mais je sais tout de suite que c'est elle, même de loin. Elle ne ressemble pas à ce que j'avais imaginé, non ; elle est mieux. Tellement mieux, tellement belle, tellement tout. Parfaite.
Ses cheveux sont châtains, plus bruns que blonds, et sont attachés en deux petits chignons de chaque côté de sa minuscule tête. Elle a les pommettes hautes et de bonnes joues rebondies, et surtout ce menton brusqué que je connais si bien.
Un feu d'artifice explose dans ma cage thoracique et soudain, j'ai l'impression que dois aller la voir de plus près. Sans même savoir pourquoi ni penser aux conséquences, je me mets soudain à traverser l'étendue de pelouse et à me faufiler entre les parents et les gosses surexcités, le tout sans la quitter des yeux. Je marche, encore et encore, sans réfléchir, et je fonce vers elle, je m'approche, j'y suis presque, et...
— Maia ?!
Mon cœur s'arrête. Une seconde, puis deux.
— Oh.
C'est la seule chose que j'arrive à dire quand mon regard croise celui de Céline. Elle me regarde d'un air estomaqué, ses lèvres roses entrouvertes par la surprise.
— Bonjour ! dit-elle ensuite poliment. Je suis surprise de te voir, je ne savais pas que tu étais rentrée à Bellevue !
Son enthousiasme me tord les entrailles. Son sourire me fait mal, son chignon blond me fait mal, son tailleur à la fois chic et décontracté qui lui donne un vrai air de working girl me fait mal.
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GRENADE
Teen FictionAprès cinq ans d'absence, Maia est contrainte de revenir dans le village qu'elle a quitté quand elle avait seize ans. Là-bas règnent les démons de son ancienne vie et surtout, la raison pour laquelle elle est partie... De son côté, Hélios n'a jamais...