Amour maudit

Corindon & Orlare : Epouse-moi

SPOIL : HdE

Un an après la bataille d'An-Anshar

Après avoir été amoureux de l'enchanteresse Moérie, trahi par cette dernière, tué, puis ressuscité, et enfin retenu prisonnier par son grand-père Kimaati, Corindon est désormais libre.

Son domaine divin ayant été détruit, le dieu-caracal choisit de rejoindre Orlare chez les Elfes. Ancienne déesse-harfang des neiges, elle a perdu ses pouvoirs lors de la colère d'Abussos.

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Corindon s'était habitué à sa nouvelle routine. Tous les matins, il se réveillait après Orlare, qui partait tôt cueillir des plantes médicinales, s'habillait d'une tenue ample, saluait les enchanteresses habitant près de leur cabane, puis se transformait en caracal pour explorer les environs. Plus le temps passait, plus il s'aventurait loin. Il avait déjà visité les Royaumes de Diamant, de Rubis, d'Emeraude et d'Opale, ainsi que celui des Fées. Bien qu'il aimât se perdre dans les forêts dimantoises, il essayait toujours de rentrer à temps pour partager le repas du midi avec son amie rapace. Elle lui racontait sa matinée, tandis qu'il lui montrait les lieux qu'il avait découvert par télépathie. L'après-midi, il rejoignait le village du Roi Cameron, où il participait à la vie elfique. Ainsi, il avait appris à manier l'arc, à reconnaître les différents fruits des bois, et à parler la langue chantante. Le soir, il attendait que l'apprentie enchanteresse soit libérée de ses obligations pour s'endormir à ses côtés.

Orlare aimait sa nouvelle vie chez les Elfes. Désormais, elle était remerciée quand elle aidait son prochain. Elle avait des amies qui partageaient ses opinions, un compagnon qui l'écoutait. Elle était épanouie parmi les enchanteresses, appréciant les cérémonies magiques comme les concoctions de potions. Elle considérait toutes les magiciennes comme ses sœurs. Cependant, sa nouvelle famille ne remplaçait pas l'ancienne, Séléna lui manquait beaucoup. Elle avait parfois des nouvelles d'Aquilée, qui s'était remise avec Albalys. Elle l'enviait un peu, Orlare aussi souhaiterait se marier. Autrefois, elle avait un époux, Ibalba, qui lui avait donné de nombreux enfants. Elle avait adoré être mère, et désirait élever de nouveaux petits, sauf que Corindon ne semblait pas prêt.

Un matin, Corindon se réveilla en baillant. Il s'étira, puis se leva dans l'intention de s'habiller. Il croisa alors le regard orangé d'Orlare.

« Tu n'es pas avec Maayan ?

─ Elle souhaite rester seule, aujourd'hui.

─ Pourquoi ?

─ Son ancienne apprentie est morte il y a un an. Elle s'accorde du temps pour pleurer sa perte. »

Corindon se renfrogna, Lirelha était un dommage collatéral de sa liaison avec Moérie. A l'époque, il ne s'inquiétait pas des morts qu'il causait en aidant l'enchanteresse. Il était amoureux, égoïste, centré sur son propre bonheur. Sa famille et ses amis ne l'importaient pas, il les avait tous trahi sans aucun remords. Aujourd'hui, il s'en voulait, car il avait compris la notion de « confiance ». Les Elfes croyaient en lui, le considéraient comme un membre de leur communauté. C'était la première fois qu'il était intégré à part entière. Personne ne le bousculait, ou ne s'en prenait à sa nature profonde. Sa forme animale était même respectée ! Orlare le regardait avec amour quand il était un caracal... Ses sentiments sincères l'avaient changé, mais il ne pouvait revenir sur ce qu'il avait fait, et cela le rongeait.

« Je ne peux plus lire tes pensées, mais je peux encore sonder ton cœur... Tu es triste.

─ Je ne savais même pas que Moérie avait tué cette enfant.

─ Tu n'es donc pas responsable.

─ Sans moi, elle aurait été incapable d'aller aussi loin. Je l'ai aidée à tuer des gens, j'étais prêt à en tuer moi-même !

─ Je sais, mais tu as changé. Tu es différent désormais, et c'est tout ce qui compte.

─ Non, que je sois désolé ne fera pas revenir ma famille, ni la tienne.

─ En effet, le passé est passé. Mais tu peux améliorer le futur, concentre-toi là-dessus.

─ Orlare... Tes enfants n'ont plus de futur par ma faute. Pourquoi essaies-tu encore de m'aider ? »

Orlare était pacifiste. Elle détestait la violence, les meurtres, les brimades, les insultes... Au contraire, elle croyait au pardon et au changement. A ses yeux, personne n'était mauvais, ou bon. C'étaient des choix de chaque instant, des conflits intérieurs à gagner, des batailles à abandonner. Prendre le chemin de la guerre une fois ne signifiait pas être un guerrier toute sa vie. Tout le monde pouvait s'améliorer, faire les bons choix. Elle encourageait ses proches dans cette voie, et prônait la paix. Puis, elle-même n'était pas irréprochable, elle avait trop souvent fermé les yeux quand, plus jeune, son frère avait été harcelé. Elle aurait dû l'aider, au lieu de détourner le regard. Elle était lâche, et s'en voulait pour ça. Elle essayait de changer, mais n'y parvenait pas toujours. Alors, qui était-elle pour juger les autres ?

« Je t'aime, Corindon. Ce que tu as fait avant ne m'importe pas : c'est celui que tu es aujourd'hui qui me plaît. Je connais tes erreurs, tu me les as racontés. Mais elles sont passées, je t'ai pardonné. Maintenant, il faut que tu te pardonnes. Soulage ta conscience pour pouvoir aller de l'avant.

─ Je n'y arrive pas...

─ Dans ce cas, laisse-moi t'aider. »

Orlare s'approcha, noua leurs mains et l'embrassa. Corindon frémit, il n'était pas habitué. Leur couple était chaste : ils avaient pris exemple sur les Elfes et avaient peu de contacts physiques. Ils s'aimaient tous deux, choyant leurs moments privilégiés, sauf qu'ils agissaient comme deux amis. Ils discutaient pendant des heures la nuit, mais ils dormaient dans des couchages séparés. Cela n'avait jamais dérangé Corindon, encore hésitant après sa dernière relation. Toutefois, les lèvres d'Orlare étaient si douces, aussi délicates qu'elle. Il joua avec sa langue, libéra ses mains pour caresser ses cheveux blancs. Ils avaient la texture de la neige, il s'amusa à les ébouriffer. Elle posa ses mains sur sa taille, rapprochant leurs corps. A bout de souffle, ils collèrent leurs fronts.

« Je t'aime aussi.

─ J'espère, car j'ai envie de fonder une famille avec toi...

─ Pardon ?

─ Je sais que tu n'es pas encore prêt, mais je te promets d'être auprès de toi jusqu'à ce que tu le sois. Et à ce moment-là, nous nous marierons et aurons des enfants.

─ Et si je n'arrive jamais à me pardonner ?

─ Je crois en toi. »

Ils se regardèrent pendant un long moment, apaisés l'un par l'autre. Corindon avait toujours aspiré à la vie qu'elle lui offrait. Orlare était la déesse de sa vie, avec elle, il était enfin épanoui. Elle lui donnait envie de s'améliorer, elle l'encourageait toujours, son sourire était le pilier de ses efforts. Elle était peut-être son total opposé, mais son pacifisme, sa confiance, et son optimisme perpétuels formaient ses rêves d'avenir. Il ne savait pas quand il réussirait à se pardonner, toutes ces morts pesaient sur sa conscience. Pourtant, il pouvait entrevoir un futur où il serait débarrassé de ses cauchemars, grâce à elle. En vérité, il était prêt à tout pour son amour, et il n'en avait plus peur. Soudain, il se mit à genoux.

« Epouse-moi. »