Les rues de Volgosta étaient très animées, même à cette heure tardive. Il était minuit passé, pourtant si l'on se fiait à l'agitation de la ville, on aurait pu croire être en pleine journée. L'air était froid, mais personne ne semblait s'en soucier. C'était la Nuit des Bénédictions après tout.
Tous les ans, on célébrait cet évènement dans toutes les villes d'Osnov. Une nuit, durant laquelle les gens restaient éveillés pour écouter de la musique traditionnelle et allumer des lanternes en papier. Celles-ci illuminaient le ciel nocturne en s'élevant dans les airs. Kassyen ne savait pas vraiment d'où venait cette tradition ridicule, seulement ce qu'elle signifiait. Les gens allumaient une lanterne pour être vus des dieux. Un moyen de faire monter leurs prières jusqu'à ceux qui veillaient sur eux. Comme si quelqu'un se souciait réellement de leur sort.
En traversant la ville, Kassyen se moqua de chaque famille qui lâchait une lanterne dans la rue. Ils étaient si naïfs, si crédules. Il n'y avait aucun dieux. Personne pour les écouter. Personne pour les sauver. Et si une entité supérieure existait réellement, elle ne perdrait pas son temps à veiller sur l'espèce humaine.
Juste à côté du bar dans lequel Kassyen se rendait, un couple allumait une bougie à l'intérieur de leur lanterne. Le bâtiment devant lequel ils se tenaient ressemblait davantage à un cube de bois pourri qu'à une maison. Les traits ridés, la peau pâle, les mains crasseuses, les cheveux rendus hirsutes par l'air marin, les deux individus paraissaient être plus morts qu'en vie. Leurs enfants étaient minuscules à côté d'eux. L'un d'entre eux, un garçon à la chevelure rousse qui semblait flamboyer dans la lueur des lanternes, fixait l'assassin avec curiosité. N'appréciant pas du tout le courage de l'enfant, Kassyen le fusilla d'un regard noir. Immédiatement, le petit alla se réfugier derrière les jambes frêles de son père.
- Arrêtes de ricaner comme ça, c'est flippant, le réprimanda Roman. Et arrêtes de faire peur aux gamins, bon sang !
Le brun reçu le même regard noir, mais contrairement au petit garçon, il ne réagit pas.
- T'as vraiment aucun respect pour rien du tout, ajouta-t-il en secouant la tête.
- Si tu parles de la Nuit des Bénédictions, alors oui, tu as raison. C'est stupide.
- C'est une tradition et une raison pour se bourrer la gueule, tu devrais au moins apprécier cette dernière partie. À une époque, tu adorais lâcher ces lanternes. Tu suppliais ta mère de te laisser allumer la flamme.
- À une époque, je me soulageais aussi dans les coussins du canapé. Certaines habitudes sont faites pour disparaître quand on grandit, répliqua Kassyen. Tu ne vas pas me dire que tu crois à toutes ces conneries ? Qu'en lançant une boule de papier, Aenar, Netela ou Izsyn vont leur répondre et veiller sur eux jusqu'à la fin de leurs misérables vies ?
Roman ricana et lui lança un regard amusé.
- Je ne pense pas qu'un seul de ces innocents petits pêcheurs et marchands ne souhaite que la déesse de la ruse leur réponde. Seuls les voleurs en appellent à Izsyn.
- Pas moi.
- Tu n'es pas un voleur, Kass.
- Non, je suis pire, rétorqua l'autre. Et tout criminel ayant besoin de s'en remettre aux dieux pour leur réussite, est un mauvais criminel.
Kassyen poussa la porte du bar, une odeur de transpiration mêlée à celle de l'alcool le frappant immédiatement. Son arrivée plongea la salle dans un silence assourdissant, qui contrastait avec les cris de quelques secondes plus tôt. Les gens présents dans la pièce le fixaient, certains d'un air ahuri, d'autres avec un dédain feint, qui cachait une crainte réelle. Personne ne parlait, pas même les hommes ivres morts qui avaient oublié depuis des heures l'idée même du self-contrôle.
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The Assassins - T1. Le Royaume des Ombres
Adventure"Lorsque l'héritier naîtra, les portes du Royaume des Ombres s'ouvriront" La cruauté des hommes a transformé Zari en tueuse. Pour ne plus connaître la souffrance, elle est devenue l'un des monstres qui lui faisaient autrefois peur. Cruelle, impitoya...