11. Zari

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L'atmosphère de la salle était écrasante. Assis face à face, Dmitro Fedorov et Fergus Rosach discutaient avec froideur des accords commerciaux entre l'archipel d'Achya et Osnov. Le marchand semblait prendre un malin plaisir à critiquer les décisions du roi. Dmitro quant à lui, bouillait presque de rage. À côté d'eux leurs femmes, Milread et Polina, parlaient à voix basse d'un sujet censé être moins houleux. Cependant, ni l'une ni l'autre n'avait l'air d'être d'accord sur la meilleure manière de coudre de la dentelle sur une robe. Quant aux enfants, ils gigotaient sur leurs chaises en observant la danse des domestiques qui venaient apporter le plat principal : un poisson à l'aspect visqueux et à l'odeur écœurante.

Zari posa l'assiette qu'elle tenait entre ses mains devant Tetyana Fedorov, la fille de Dmitro et Polina. L'odeur du plat lui retourna l'estomac et elle dut pincer les lèvres pour contenir sa nausée.

- Maman ? Pourquoi la peau de la dame elle est toute marron ? s'exclama Tetyana en observant Zari d'un air curieux.

Zari se figea, les doigts figés sur l'assiette de la petite fille de cinq ans. L'enfant était le portrait craché de sa mère. Elle avait les mêmes yeux marrons, le même nez en trompe, la même bouche aux lèvres fines. La seule chose que la petite avait hérité de son père, était la couleur blonde de ses cheveux. Ceux de Polina étaient châtains.

- Tetyana ! Ce n'est pas une manière de parler ! la réprimanda cette dernière.

- Mais pourquoi ? quémanda une nouvelle fois la fillette en tournant son attention vers sa mère.

Zari se redressa et considéra Polina du coin de l'œil. La trentenaire avait les joues rouges et les lèvres tremblentes, à la recherche d'une réponse appropriée qui ne la ferait pas passer pour une autre Osnovienne intolérante.

La voix de Tetyana avait attiré l'attention de Fergus et Dmitro. L'Achyen regardait la scène avec un amusement non dissimulé, son sourire moqueur faisant ressortir les rides de son visage. En voyant sa femme en difficulté, Dmitro vint immédiatement à son secours, semblant momentanément oublier que la dame sur laquelle portait toute cette conversation était un assassin qu'il venait d'engager pour tuer l'un des ses invités.

- Pourquoi ne pas la laisser nous expliquer elle-même ?

Zari serra les dents. Quel idiot. Tout le but était de ne pas se faire remarquer et il venait de jeter toute l'attention sur elle.

- Oui, s'il vous plaît, ajouta Polina d'un air soulagé.

Zari inclina la tête avec politesse avant de regarder la petite fille aux cheveux blonds et de lui répondre :

- C'est parce que je ne suis pas Osnovienne comme vous, mademoiselle Tetyana. Je suis Nolie. Donc, ma peau n'est pas blanche.

- C'est joli, j'aimerais bien être Nolie moi aussi, dit la fille avec un sourire adorable.

Malgré la situation, Zari lui rendit un rictus, les lèvres serrées. Non, tu ne l'aimerais pas. Avoir sa couleur de peau n'était pas sans incidence. Elle avait souffert à cause de ça. Parce que les Osnoviens y voyaient un exotisme aphrodisiaque. Ils ne voulaient pas être Nolis. Ils voulaient seulement pouvoir en posséder une le temps d'une nuit.

- À Brekvinger, les Nolis vivent comme des rats. Ils s'entassent autour de notre ville et polluent les esprits de nos enfants avec leurs croyances de barbares, fit Milread Rosach.

Zari se retint de lancer un regard noir à la vieille femme rousse. De tous les gens présents dans cette pièce, elle était bien celle qu'elle avait le plus envie de frapper. Dommage que Fedorov ne les aient pas engagé pour l'assassinat du couple. Ça aurait rendu un grand service à l'humanité.

The Assassins - T1. Le Royaume des OmbresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant