29. Zari

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Les mains appuyées contre le mur, Zari serrait les dents pour étouffer ses cris. Elle ne savait pas depuis combien de temps Kassyen était parti, mais une éternité semblait s'être écoulée.

Sentant la fatigue la gagner, elle appuya son front contre la paroi en se demandant ce qu'il faisait. La peur de ne pas le voir revenir et de devoir accoucher seule s'insinuait comme un poison dans ses veines.

Elle se retourna et se laissa aller contre le mur, ses mains figées sur son ventre. La solitude la frappa lorsque son regard s'arrêta sur la chambre vide. Personne.

Personne pour la rassurer. Personne pour l'aider. Personne pour la sauver. Encore.

Elle était seule. Toujours seule. Comme à Azzalia cette nuit-là. Comme les jours suivants alors qu'elle était transportée à travers Urwah telle de la marchandise. Comme à Volgosta. Seule.

La douleur psychologique infligée par ses pensées noires était bien pire que celle physique de l'accouchement. Elles la vidaient de toute énergie et lui donnaient envie d'abandonner. Elles rendaient la mort attrayante et effaçaient tout souvenir de bonheur.

Non. Tu peux le faire. Tu n'as besoin de personne, se dit-elle comme un mantra. Elle ne pouvait pas se permettre de flancher. Surtout pas maintenant.

Zari attrapa le ruban noir qui se trouvait sur la table de nuit et s'en servit pour nouer ses cheveux en une queue basse. Elle dégagea les mèches trop courtes qui s'en échappaient, les bloquant derrière ses oreilles et prit une grande inspiration, retrouvant peu à peu sa détermination.

Mais quelques secondes plus tard, une autre contraction la foudroya, faisant vibrer ses cordes vocales alors qu'elle hurlait de douleur. Elle glissa à terre en ravalant un sanglot et replia ses jambes sous son corps. Les mains posées au sol, elle tourna la tête vers la porte dans l'espoir de voir quelqu'un la franchir.

Rien. Rien d'autre que le vide et le silence.

Elle pensa à Esta, l'imaginant assise sur son canapé avec Hefi, Aron entre elles. Elle aurait tout donné pour pouvoir s'installer avec eux et prétendre détester cette vie domestique que ses amies avaient choisi.

Elle pensa à sa mère, la visualisant installée avec son frère et son père autour d'un feu de camp. Pour la première fois depuis le jour où elle avait renié ses origines au profit de sa nouvelle identité, elle ressentit un manque.

Nali...

Bien sûr, elle ne pouvait s'en prendre à personne d'autre qu'elle-même. Elle aurait pu être avec sa famille si elle avait prit la décision de les retrouver. Sept ans plus tôt, elle aurait pu prendre le chemin d'Azzalia en retrouvant sa liberté. Elle connaissait la route qu'ils empruntaient pour rejoindre le Nord. Et si elle ne les avait pas croisés en voyageant, elle les aurait trouvés à leur emplacement habituel sur la plaine de Rivah. Mais au lieu de cela, elle avait laissé ses craintes prendre le dessus. Par peur, elle avait préféré oublier.

Quoi qu'elle fasse, Zari ne pouvait effacer cela. Elle ne pouvait que refouler ses émotions douloureuses et passer à autre chose, en donnant l'illusion que rien ne l'atteignait.

Il y a des années de cela, une femme aux cheveux blonds qu'elle haïssait avait prétendu l'avoir rendue plus forte en lui faisant du mal. Zari ne lui avait pas répondu. Yrine l'effrayait trop pour qu'elle ose la contredire. Cependant aujourd'hui elle savait à quel point elle avait tord. Une vie d'abus ne rendait pas fort. Seulement plus résistant à la douleur. Son passé lui avait donné une incroyable capacité à encaisser. Elle était plus inébranlable qu'un diamant brut.

The Assassins - T1. Le Royaume des OmbresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant