12. Kassyen

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Tvarni était de loin la ville la plus lugubre que Kassyen ait jamais vu. Les rues étaient sinueuses sans raison apparente, les maisons si penchées en avant qu'elles semblaient à un coup de vent de s'effondrer et une odeur pestilentielle planait dans l'atmosphère. Mais ce n'était pas ça le plus sinistre. Non, c'était les trois corps carbonisés qui pendaient aux portes de la vieille ville.

- Mort aux hérétiques, lut Zari alors qu'ils passaient juste en dessous. Au moins ils ont le sens de l'accueil.

- On ne devrait peut-être pas rester ici, dit Kassyen.

Zari haussa les épaules, l'air très peu inquiète.

- Je veux juste dormir dans un lit. On s'arrête dans un bar louche pour trouver un nouveau contrat, et on repartira demain matin.

Kassyen hocha distraitement la tête, regardant autour de lui. Les quelques habitants qui étaient de sortie en cette fin de soirée s'éloignaient sur leur passage. Ils marchaient tous dans la même direction : l'église qui se trouvait au centre de la ville. Mort aux hérétiques. Regards mauvais. Osnoviens s'empressant de rejoindre une église. Kassyen soupira. Il sentait que tout cela allait mal se finir.

- Je ne le sens pas, insista-t-il. Ces cadavres sont ceux de Smoelis.

- Et alors ? rétorqua Zari en le toisant d'un air exaspéré.

- Et alors, tu ne ressembles pas vraiment à une Osnovienne. Mort aux hérétiques ? On sait tous les deux ce que ça veut dire.

Elle détourna le regard pour observer les façades des maisons.

- Que Tvarni est une autre ville de connards qui croient en la supériorité de leurs dieux ? C'est tellement surprenant, lança-t-elle avec sarcasme. C'est vrai que le reste du pays est tellement tolérant.

- Dans le reste du pays, on est pas accueillis par trois cadavres d'immigrés.

Zari lâcha une sorte de soupir, qui se tenait plus entre le grognement et le cri de frustration.

- Ils pourraient essayer de te tuer, ajouta-t-il sur le même ton que si il commentait le temps qu'il faisait.

- Qu'ils essaient. Je leur trancherai la gorge un par un et ensuite c'est leurs corps qui seront accrochés aux portes de la ville, maugréa-t-elle.

Il savait qu'elle le ferait. Il ne connaissait peut-être pas très bien Zari Nalyensky, mais si il y avait une constante chez cette femme, c'était son agressivité. Et si les habitants de Tvarni la cherchaient, ils le regretteraient amèrement.

Kassyen repéra un panneau en bois marqué Le Serpent affamé au fond de la rue dans laquelle ils se trouvaient. Pas très attrayant comme nom, donc sûrement le bar louche qu'ils recherchaient. Les deux assassins attachèrent leurs chevaux devant l'enseigne, puis poussèrent la porte en bois.

Ils entrèrent en silence, pour que personne ne les remarque, et mis à part deux ou trois ivrognes, aucune des personnes étant à l'intérieur ne s'intéressèrent à eux. Kassyen commanda une bouteille de knav, tandis que Zari allait s'installer à une table, puis alla la rejoindre. Il avait encore du mal à se faire à sa compagnie. C'était étrange de s'asseoir à côté d'elle et de lui parler. Ça avait été encore plus étrange de travailler avec elle, et non contre elle, à Brezsky.

- À gauche, murmura-t-elle en lui indiquant la direction d'un coup d'œil. Je viens de les entendre se vanter du vol des bijoux de la duchesse de Rybnik.

Kassyen considéra les quatre individus. Les trois hommes semblaient trop stupides pour avoir accompli un tel acte. Ils étaient immenses et baraqués, leurs traits grossiers, leurs vêtements sales et ils avaient tous réussi à renverser du knav sur leurs vestes. La femme en revanche avait l'air suffisamment intelligente. Elle devait avoir une vingtaine d'années. Elle portait une veste en cuir rouge qui cachait à peine la crosse du pistolet qu'elle cachait en-dessous. Sa chevelure blonde était ramenée en queue de cheval et ses yeux bleus sondaient la salle d'un regard inquisiteur.

The Assassins - T1. Le Royaume des OmbresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant