Assis par terre, une jambe relevée et le dos appuyé contre un arbre, Kassyen fixait la jeune femme endormie à quelques mètres de lui. Elle était allongée sur le flanc, les jambes repliées. Elle semblait si paisible à cet instant, et si éloignée de la personne que l'assassin connaissait. Innocente. Douce. Belle. Fragile. Cette impression était cependant contredite par la dague qu'elle tenait fermement dans sa main droite et par tout ce qu'il avait vu d'elle. Zari Nalyensky n'avait rien de doux, de fragile ou d'innocent.
Ses cheveux étaient toujours attachés en une tresse, qui reposait dans son dos sur la couverture en laine qu'elle avait étendu au sol. Elle avait fermé ses paupières il y a plusieurs heures et dormait d'un sommeil profond. Sa respiration était régulière. Étrange. Comment pouvait-elle dormir aussi paisiblement alors que Kassyen n'arrivait pas à se calmer ?
Il avait longuement réfléchit à ce qu'il allait faire, à Iervana, assis dans cette cave souterraine où elle l'avait laissé. Il était passé d'un extrême à l'autre, commençant par un déni profond, puis passant par de la colère et terminant par une semi acceptation. Il avait espéré qu'elle mentait, mais savait que ça aurait été trop beau pour être vrai. Elle le détestait autant qu'il la détestait. Alors pourquoi est-ce qu'elle inventerait ce mensonge ?
Kassyen s'était déjà imaginé avoir des enfants, il y a longtemps, la seule fois où il avait suffisamment apprécier une fille pour envisager un futur. C'était il y a presque dix ans. Elle s'appelait Rita et elle avait des cheveux d'un blond éclatant, qui attiraient les regards de tous ceux qu'elle croisait.
Il était encore un adolescent stupide à l'époque. Il n'était ni naïf, ni gentil. Son enfance de voleur lui avait forgé un fort caractère et offert une agressivité dure à contrôler. Rita était la fille du maire de Mavysk. Inaccessible. Et il n'avait jamais rêvé d'elle. Il ne l'avait jamais fixée plus de quelques secondes ou réellement désirée. Mais tout avait changé lorsqu'elle s'était faite agressée dans la rue.
Il était tard, les lumières de la ville s'étaient éteintes mais Roman et Kassyen étaient toujours dehors. Ils s'étaient installés dans une ruelle et avaient déjà vidés une bouteille de knav lorsqu'ils avaient entendu les cris. Roman avait été le premier à réagir. D'eux deux, il était clairement celui qui se souciait le plus des autres. Kassyen l'avait suivi en rechignant, lui répétant que si ils couraient à chaque cri qui résonnait dans Mavysk, ils ne s'arrêteraient plus jamais.
Découvrir cette jeune fille de son âge, au visage couvert de larmes et aux traits terrifiés ne l'avait pas fait changer d'avis. Mais il n'allait pas laisser Roman se battre seul. Les deux garçons s'étaient alors occupés des ivrognes qui avaient coincés Rita dans cette impasse, et avaient aidé la blonde à rejoindre sa maison. Elle les avaient remercié, leur offrant ses boucles d'oreilles pour les remercier. Boucles qu'ils s'étaient empressés de revendre.
Kassyen était persuadé que se serait la fin de l'histoire. Seulement, deux jours plus tard, il avait croisé Rita dans la rue. Au lieu de l'ignorer comme elle aurait dû le faire, elle l'avait arrêté par le poignet et offert un sourire éclatant qui avait eu un effet novateur sur lui : ses battements de cœur avaient doublé de vitesse.
Il n'était pas amoureux de Rita. Il l'avait appréciée, tout au plus. Il avait aimé son humour étrange et le fait qu'elle puisse les infiltrer dans toutes les soirées des bourgeois de Mavysk. Il s'était laissé aller à rêver d'un monde dans lequel elle apparaîtrait à son bras, comme tout adolescent venant des bas-fonds et soumis à ses hormones l'aurait fait, en voyant une fille riche ayant tout pour elle, lui prêter la moindre seconde d'attention.
En y repensant, Kassyen se dit qu'il n'aurait jamais dû l'aider. Il aurait dû s'écouter et forcer Roman à rester dans la ruelle. Car sous ses apparences d'ange, Rita n'était qu'un démon. Une peste qui avait failli les faire tuer, Roman et lui. Et l'une des raisons pour lesquelles il n'était pas retourné à Mavysk depuis des années.
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The Assassins - T1. Le Royaume des Ombres
Pertualangan"Lorsque l'héritier naîtra, les portes du Royaume des Ombres s'ouvriront" La cruauté des hommes a transformé Zari en tueuse. Pour ne plus connaître la souffrance, elle est devenue l'un des monstres qui lui faisaient autrefois peur. Cruelle, impitoya...