Zari se souvenait encore de la douleur qu'elle avait ressenti lorsque sa grand-mère était morte. Elle se souvenait d'avoir chanté l'hymne d'Ira avec sa famille et d'avoir pleuré, nuit après nuit, pendant des semaines. Sa vali était l'une des personnes qu'elle chérissait le plus au monde. Elle était tout le temps heureuse, tout le temps souriante et Zari l'aimait tellement que sa perte avait laissé en elle un vide béant.
- Ne pleure pas vija, ce n'est pas ce qu'elle voudrait, lui avait dit sa mère le jour des funérailles. Ta vali était un soleil à elle seul. Certes, elle ne brillera plus autour de nous, mais tu sais où sa lumière demeure ?
Elle avait alors posé sa main au-dessus du petit cœur de Zari.
- Juste ici. Elle est en chacun de nous. La mort n'est pas une fin en soit, mehn kajha. Ce n'est que le commencement d'une seconde étape de la vie. Ne sois pas triste. Réjouis-toi pour elle, car elle vient d'entamer une nouvelle aventure, comme elle les aimait.
Ces mots, qui avaient autrefois réconforté Zari, sonnaient aujourd'hui comme une mauvaise blague. Elle avait cessé de croire en les dieux il y a une éternité. Quant à l'idée d'une vie après la mort, ce n'était à ses yeux qu'un moyen pour les humains de trouver un sens à leur existence.
Elle préférait le concept selon lequel on avait qu'une seule vie et que lorsqu'on mourrait, on mourrait simplement. Pas de seconde chance, pas de justice divine, pas d'aventures. Ce n'était pas tant parce qu'elle souhaitait fuir les conséquences de ses actions, mais parce qu'à ses yeux une seule vie suffisait. La sienne n'avait été que souffrance. Pourquoi voudrait-elle retenter sa chance avec une seconde, où elle risquait de connaître un sort encore bien pire ?
La mort de Bashaar avait un goût bien plus amer que celle de sa vali. Elle avait l'impression que son cœur était à deux doigts de se déchirer, mais le pire était la colère qui lui brûlait les veines. Ce désir de vengeance qui rampait sous sa peau, cherchant par tous les moyens à lui faire perdre le contrôle d'elle-même. Ce n'était pas nouveau. Elle refoulait son envie de se venger depuis des années, parce qu'Esta le lui avait demandé. Elle l'avait fait encore une fois hier soir. Seulement cette fois-ci, elle savait qu'elle n'y arriverait pas.
Elle avait rêvé de la mort Zhenka Kormarov pendant trop longtemps. Elle voulait qu'il sente la vie le quitter à petit feu, dans un mélange de souffrance et de désespoir. Elle savait qu'elle ne pourrait jamais lui faire payer ce que sa famille lui avait fait, néanmoins, elle pourrait se satisfaire de son assassinat.
En apercevant la muraille entourant la ville de Ksorkò, Zari serra les poings. Contrôle-toi, s'intima-t-elle. Elle sentait le poids du regard de Kassyen sur son dos. Ses iris grises étaient comme deux lames suspendues à quelques millimètres de son épiderme. Si elle laissait tomber sa garde ne serait-ce qu'une seconde, celles-ci la transperceraient et il découvrirait tous ses secrets. Conserver une expression impassible n'avait jamais été aussi important que maintenant.
Qu'il sache qu'elle veuille Kormarov mort était acceptable, mais qu'il en connaisse les raisons ? Ça elle ne pourrait pas le supporter.
- Qu'est-ce qu'on fait maintenant ? demanda Manni.
Zari détourna le regard de la ville pour le porter sur Orann. Il semblait moins abattu que quelques heures plus tôt. Ou en tout cas suffisamment remis pour se comporter à nouveau comme lui-même. Un sentiment de culpabilité lui tordit les entrailles lorsqu'elle se souvint de la manière dont elle lui avait parlé. D'un signe de tête, elle lui demanda de la suivre tout en s'éloignant à quelques mètres des autres.
- Tu m'en veux ? demanda-t-elle à l'Urwahi.
Orann avait la tête tourné vers la forêt, le regard figé. Ils n'étaient que des adolescents lorsqu'ils s'étaient rencontrés. Depuis, sept ans s'étaient écoulés et ils avaient tous les deux énormément changés. Cependant, jamais Zari ne l'avait vu aussi sérieux. Il avait l'air à moitié mort. Une part de lui venait de lui être arraché, pas seulement par la mort de son père, mais aussi par la destruction de sa maison. Elle avait vécu assez longtemps pour savoir qu'il n'y aurait pas de retour en arrière et cela la peina.
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The Assassins - T1. Le Royaume des Ombres
Aventure"Lorsque l'héritier naîtra, les portes du Royaume des Ombres s'ouvriront" La cruauté des hommes a transformé Zari en tueuse. Pour ne plus connaître la souffrance, elle est devenue l'un des monstres qui lui faisaient autrefois peur. Cruelle, impitoya...