Accroupi derrière le feuillage d'un buisson, Kassyen attendait depuis plus de deux heures que les suivants d'Artem quittent le temple. Des Muets étaient postés à chacune des trois portes menant dans le hall, statiques, le regard fixe malgré leurs visages ensanglantés et défigurés de la bataille de la veille. De parfaits petits soldats, se dit l'assassin en les regardant. Cela ne l'arrangeait pas du tout bien sûr. Il avait des fourmillements dans les jambes et le dos raide à cause de sa position et commençait à sérieusement perdre patience.
Il aurait pu opter pour l'attaque et foncer vers les trois gardes. Ils ne pourraient pas crier pour prévenir leurs camarades situés à l'intérieur après tout. Seulement à chaque fois qu'il envisageait de sortir de sa cachette, un mauvais pressentiment le prenait, et il avait appris à suivre son instinct sur ces choses-là. Il demeurait donc caché, attendant difficilement une ouverture.
Au fil des minutes, Kassyen commença à trépigner. Il avait dit à Zari qu'il partait leur voler de quoi manger et des vêtements propres et avait espéré rentrer assez rapidement pour qu'elle ne puisse lui tenir rigueur de son mensonge. Mais il devait bien se rendre à l'évidence. Lorsqu'il la retrouverait au point de rendez-vous, ils allaient encore se crier dessus.
La tentation avait été trop forte. Savoir son argent si proche l'avait poussé à traverser la forêt en direction du temple pour venir le récupérer. Il avait espéré que l'endroit serait vide, seulement les suivants d'Artem étaient encore présents et refusaient de quitter les lieux.
Un préfet sortit soudain du bâtiment, drapé dans une sorte de toge pourpre ridicule. L'homme, que Kassyen et Zari avaient aperçu dans la rue le soir de leur arrivée à Herzivka, s'adressa aux Muets les plus proches de lui, sans que le brun ne puisse comprendre ce qu'il leur ordonnait à cause de la distance. D'autres soldats suivirent, l'un d'entre eux aidant le préfet à grimper sur son cheval, puis ils partirent en direction de la ville, ne laissant que deux Muets derrière eux.
Kassyen poussa un long soupir et sortit de derrière le buisson lorsque les deux hommes pénétrèrent à l'intérieur du bâtiment. Il étira son dos, fit craquer sa nuque et saisit entre ses doigts la dague qui se trouvait dans sa chaussure droite. Il épousseta ses vêtements de la main gauche, chassant les feuilles qui s'y étaient accrochées, puis quitta le couvert des arbres. Il avança rapidement, gardant un œil sur les alentours pour s'assurer qu'il n'y avait aucun autre potentiel assaillant.
Ils sentit les corps avant même de les voir. Toutes les portes étaient ouvertes, pourtant l'odeur des morts imprégnait déjà les murs, le sol et les lustres. Cette odeur nauséabonde qui vous donnait envie de régurgiter le contenu de votre estomac. Rien ne pouvait mieux s'associer avec la vision funèbre qui s'imposa à lui lorsqu'il passa le seuil de la porte.
Au centre du hall avait été formé une pyramide difforme de corps. C'était un patchwork de couleurs, avec une forte prédominance de rouge qui tâchait les tuniques des victimes. Le sang peignait les défunts, le sol, les fenêtres... Ce qui le fit se figer ne fut pas tant les témoignages du massacre qui s'était produit ici, mais plutôt de remarquer le spectacle des murs. Le liquide carmin en recouvrait des pans entiers, faisant disparaître l'or qui traçait auparavant les traits des dieux. Les seuls épargnés étaient les dieux osnoviens.
L'assassin secoua la tête, une colère sans nom lui empoisonnant le cœur et contourna la pile de dépouilles. Combien de gens devraient encore devoir mourir au nom de la religion ? Et tout ça pourquoi ? Simplement pour une divergence de points de vue causée par un écart géographique. Kassyen détestait les gens comme Artem et Kyrilo. Eux qui se croyaient mieux que le monde entier, mais qui au final n'étaient pas mieux que le roi d'Osnov, qui laissait ses sujets crever de faim pendant qu'il se gavait des mets les plus fins du continent Est.
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The Assassins - T1. Le Royaume des Ombres
Pertualangan"Lorsque l'héritier naîtra, les portes du Royaume des Ombres s'ouvriront" La cruauté des hommes a transformé Zari en tueuse. Pour ne plus connaître la souffrance, elle est devenue l'un des monstres qui lui faisaient autrefois peur. Cruelle, impitoya...