VII - Camille

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Banlieue madrilène
15 heures trente

Je descends de la voiture d'un mouvement rapide, embrassant d'un regard la vue qui s'offre à moi. Quand l'Espagnol me parlait de quartier résidentiel, j'osais espérer un peu plus que cela. Un agresseur cultivé, qui vole un manuscrit, ferait plutôt penser qu'il proviendrait des beaux quartiers... Stupide réflexion. Il y avait tout autant de chance qu'il vienne d'ici comme d'ailleurs. Mais ce quartier est particulièrement plus lugubre que les autres : barres d'immeubles anonymes, bétonnées, aussi grises que les esprits des habitants désabusés. Quelques-uns jalonnent les rues sales et délaissées, de la pire espèce : des petits criminels de la drogue qui s'attardent perversement sur les rares – et courageuses – femmes qui s'aventurent par ici. Je lance un regard noir à l'un d'eux pour tenter de l'en dissuader, puis descend avec le gaillard Rodrigues, escorté d'un de ses collègues. Leurs carrures semblent dissuader un peu plus les jeunes hommes de chercher la bagarre. Peut-être me prennent-ils pour l'une des leurs ? Qui suis-je dans leur esprit embrumé ? Une négociante du business ? Une riche consommatrice ?

Je soupire face à une telle peinture de la misère humaine et entre dans le bâtiment qui correspond aux coordonnées fournies par le professeur. Le bâtiment a bien plus piètre allure que les dégingandés du trottoir et paraît désaffecté depuis des années. Nous évoluons précautionneusement dans l'atmosphère sombre et embrumée de puanteurs et de fumées à la provenance indécelable. Bien qu'il ne semble pas y avoir âme qui vive, je pose la main sur mon pistolet, accroché à ma ceinture, prête à agir au cas où quelqu'un viendrait à surgir de l'ombre.

– Vous trouvez quelque chose ?

Je réponds à l'un des deux hommes, masqué dans la pénombre des lieux.

– Rien pour l'instant.

Je continue mon exploration, montant des marches délabrées, découvrant un étage tout autant plongé dans une demi-obscurité qui me fatigue les yeux. J'entends des bruits de pas, mes nerfs se crispent.

– C'est vous ?

Un nuage toxique m'explose soudainement à la figure, tel une pluie de bris de glace. Je porte instantanément mes mains à mes yeux, la vue brouillée, criant de douleur. Je me mets à courir, désorientée, pour rattraper l'agresseur qui fuit au rez-de-chaussée, sans succès. Je tombe à genoux alors qu'un officier me rattrape.

– Vous allez bien, Inspectrice ?

– Oui, oui. Ça va aller.

Comme je l'avais prédit, l'autre officier bloque sans peine la fuite de l'inconnu et le plaque au sol. Je m'approche de mon agresseur.

– Chaleureux accueil. J'ai vraiment apprécié...

Le jeune homme, fébrile, me répond d'un ton apeuré :

– Je... Je n'y suis pour rien ! Relâchez-moi !

Un officier espagnol prend la parole :

– Tentative de fuite à l'arrivée de la police et gaz lacrymogène... ? Comment vous dire... Ce n'est pas très crédible.

– Où est votre ordinateur ?

– Hein ? Ordinateur ? Mais...

Le second officier accentue sa pression.

– Répondez !

– C'est bon, c'est bon ! A l'étage, sur la table. Mais pourquoi avoir besoin...

– Pourquoi on en a besoin ? Mais vous vous foutez de moi !

Hors de mes gonds, je m'empresse d'aller chercher l'ordinateur, avec des gants en latex, et de revenir avec. Le jeune délinquant semble déboussolé.

L'Énigme Millénaire - Roman (en cours)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant