Manhattan, New York
Jeudi, une heure du matin
– Passez-moi ce café, bordel. On décolle.
J'arrache des mains de l'historien le gobelet cartonné, dont le contenu s'annonce insipide. Je le vide d'une traite du bras gauche – le mauvais – et réprime un hurlement. Une douleur irradiante traverse mon épaule blessée.
– BORDEL DE M...
– Par pitié, arrêtez de jurer comme un charretier, ou je repasse à l'espagnol. Vous faites honte à la langue française. La caféine devrait calmer votre douleur, avec le reste de morphine qui coule dans votre sang.
Thésée esquisse un rictus.
– Vous êtes médecin vous, maintenant...
– Si cela ne tenait qu'à moi, elle serait toujours en convalescence.
Je surmonte la douleur et me redresse avec fulgurance.
– C'est bon, je vous dis. Vous avez avancé pendant ma sieste forcée ?
Mon compatriote s'exécute.
– On a appelé le bureau de Chapman, sans grande conviction à cette heure-là. Mais un homme a quand même répondu, son secrétaire ou je ne sais pas trop, ça nous a redirigé, il avait l'air assez stressé. Il s'inquiétait pour sa patronne. Il a dit qu'il arrivait de suite au bureau, qu'il était de sortie.
Je le coupe, regroupant mes maigres affaires. Je me saisis d'un dossier médical à la facture exorbitante posée nonchalamment sur le chevet.
– Et ? Abrégez.
Je passe le seuil de la porte au trot, talonnée par les deux hommes.
– Il nous attend, je lui ai dit qu'on lui expliquerait en direct.
– Il a appelé les flics ?
– Non.
– Tant mieux.
Je pose le dossier au guichet, exhibant mon passeport diplomatique.
– Facture French Embassy. Embassy pay, OK ? Goodbye.
Je dépasse la secrétaire estomaquée sans raison aucune. De toute manière, cette facture ne sera jamais payée, nos passeports diplomatiques ne vont certainement pas durer bien longtemps. Ils doivent déjà être sous le coup d'un signalement de l'ambassade en Suède.
– Les Ricains devraient tester l'assurance maladie, un jour.
J'accélère le pas, grimaçant sous l'effet du lancinement montant de mon épaule jusqu'aux cervicales. Une fois franchie l'entrée du service d'urgences, j'inspire à grandes goulées l'air frais de la rue. Thésée s'affaire à héler un taxi. A mes côtés, l'Espagnol sourit.
– Vous vous moquez de moi, Velázquez ?
– Vos manières de faire m'épateront toujours, Inspectrice.
*
New York Genome Center
Quinze minutes plus tardLe jeune homme aux yeux rougis par la fatigue nous sert la main faiblement, sans conviction. Quelques pas dans un couloir, un strident bip électronique, et la porte s'ouvre. Il s'assied derrière un long bureau immaculé et parfaitement ordonné, nous laissant place dans les deux chaises lui faisant face. Thésée reste debout. Bien que dépité, le chercheur conserve de l'allant ; son accent britannique emprunté sied bien à sa savante coiffure.
– Monsieur Velázquez, vous trouverez votre sac à l'accueil.
L'Espagnol arbore un air mollement surpris. Il affiche au compteur une connexion neuronale record de quarante secondes avant que son regard ne s'illumine.
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L'Énigme Millénaire - Roman (en cours)
Mysterie / Thriller« Lorsqu'il tend la main pour les attraper, l'ombre se rapproche brusquement, s'étalant, lugubre, sur le mur. Soudain, l'homme est saisi d'une douleur atroce au crâne. Il réalise avec effroi ce qui lui arrive lorsque le monde devient noir et qu'il c...