Stockholm
Mercredi, 11 heures
Les couloirs s'étendent tous azimuts, alors que d'incompréhensibles instructions automatiques et panneaux directionnels suédois s'entremêlent. Le professeur Velázquez manque de se fondre dans le flot des usagers stockholmois. Il traîne la patte, mordant à pleines dents un sandwich incongru ; de son regard ingénu, émerveillé, il détaille les œuvres d'art contemporaines exposées ça et là dans le métro de Stockholm. Je rouspète.
– Professeur ! Dépêchez-vous, on va se paumer plus qu'on ne l'est déjà.
Il suspend sa mastication, revenant à ses esprits. Puis, avalant prestement :
– Oui, oui...
Je presse le pas et cherche à identifier la ligne T14, une ligne rouge, m'a dit l'agent Thésée. Bien qu'il nous ait noté les noms suédois des stations pour se rendre à l'Académie des Sciences, je regrette amèrement d'avoir tant râlé contre la langue espagnole, bien plus évidente que cet imbroglio nordique. Je localise enfin la bonne rame, sur le point de partir. Je me lance dans le wagon ; mais le professeur ne suit pas, perdu dans la foule alors que les portes s'apprêtent à se referme. Je le tire in extremis par la manche, manquant de bousculer un homme moustachu auquel je m'excuse d'un geste de la tête.
– Vous planez, ce matin ! Pire qu'un enfant.
Il me sourit avec amusement.
– Vous avez des enfants, inspectrice ?
– J'ai fait baby-sitter pendant mes études pour gagner un peu d'argent. Plus jamais.
– Oh ! Tant que je ne vous vomis pas mon sandwich dessus, aucune raison de s'en faire. Ce métro est admirable. C'est bien la première fois que j'emprunte un métro-musée.
Mon ventre gargouille. Je baisse les yeux honteusement. Il en profite pour tendre le bras, le reste de sa baguette à la main.
– Vous avez faim ? Il me reste du sandwich au poulet. Le petit-déjeuner était vraiment trop léger.
– Trop aimable.
– Quelle joie éclatante, ce matin !...
Un malaise se saisit de la discussion. L'historien mâche sans discontinuer. Une dizaine de minutes plus tard, la rame s'arrête brusquement sur sa lancée, et déverse une nuée de jeunes gens. Nous saisissons qu'il s'agit de la station du quartier universitaire et suivons les étudiants. Malgré le soleil estival, à la sortie des souterrains, un vent froid me saisit. J'envie le col roulé du professeur. Je ne lui avouerais pas, bien évidemment. Il en profiterait pour me taquiner.
Nous déambulons sur la rue principale, abondamment arborée, à l'orée du campus. L'œil avisé, je cherche des indications pouvant s'approcher du nom officiel à rallonge de l'Académie royale suédoise des sciences. Le professeur finit par prendre la parole.
– Alors, vos travaux avec ce Thésée ? Vous avez pu avancer ?
– Pour la faire courte, on est maître de la copie du programme qui s'est copiée toute seule.
– On n'est plus à une folie près. L'agent veut déjà le retourner contre les Russes, je suppose ?
– Pas à ce que je sache. Mais c'est indétectable... Peut-être que nous, nous pourrions l'utiliser contre notre ami Bolkonsky.
Il paraît peu convaincu.
– Pirater le FSB ? Et ensuite ? C'est un projet classifié, je ne pense pas que nous aurons plus d'informations que celles dont nous disposons déjà.
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L'Énigme Millénaire - Roman (en cours)
Mystery / Thriller« Lorsqu'il tend la main pour les attraper, l'ombre se rapproche brusquement, s'étalant, lugubre, sur le mur. Soudain, l'homme est saisi d'une douleur atroce au crâne. Il réalise avec effroi ce qui lui arrive lorsque le monde devient noir et qu'il c...