VIII - Camille

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Madrid, Hospital Universitario
18 heures

Je pousse d'un geste hargneux la porte à double battant du service de réanimation de l'hôpital, talonnée de près par l'officier espagnol, tête baissée, dépité. Faisant fi des sommations des infirmières, je presse le pas et ouvre la porte de la chambre occupée par le professeur hier soir même, laissant le soin à Rodrigues de stopper l'armada médicale outrée par mon intrusion.

Vide. Ou plutôt, étincelante.

La pièce brille d'une propreté exemplaire. J'ouvre les placards, fouille sous le matelas, enlève les draps, inspecte le chevet. Rien. L'officier ne tarde pas à revenir, talonnée par deux blouses blanches véhémentes me jetant une virevoltée de palabres incompréhensibles à la figure. Je leur lance un regard noir et m'adresse à Rodrigues.

– Vous pouvez leur dire de nous foutre la paix ?

Il me toise, le visage écarlate.

– A quoi vous jouez, Inspectrice ! Même chez vous, on n'entre pas ainsi dans un hôpital ! Et s'il y avait eu un patient dans la chambre, qu'auriez-vous fait ? Vous lui auriez provoqué une crise cardiaque, à en voir votre tête enragée !

Les infirmières restent pantoises face à notre échange en français. Je leur montre ma carte de Police, elles finissent par s'en aller, ne tarissant pas de nouvelles exclamations énigmatiques à mon oreille.

– Il n'y en avait pas, le problème est réglé.

L'officier me fixe d'un air ahuri, je poursuis :

– Le service public espagnol a un service de nettoyage surhumain ? Toutes les chambres sont récurées comme neuves chaque jour ? C'est un peu suspect.

Il se rembarre et me répond d'un œil torve :

– Non, en effet. C'est on ne peut plus suspect. Si vous voulez mon avis, il doit y avoir un lien avec l'infirmier.

– Qu'est-ce que vous voulez dire ?

– Pour une raison ou pour une autre, il a voulu effacer des empreintes, et il a été missionné pour s'en occuper lui-même. Cela paraît plus discret que de solliciter un ménage spécial.

– Je vous suis là-dessus, ça rejoint mon idée que Velázquez a été placé là volontairement, sans que personne s'en aperçoive... Même si je ne comprends pas trop comment un service entier de réanimation ne s'en serait pas rendu compte, et l'aurait soigné comme n'importe quel patient normal.

– Et comment ?

– Peut-être que son dossier a été créé de toutes pièces. Après tout, votre hôpital national semble tellement grand que les différents médecins n'échangent pas sur chaque patient tous les midis.

Un silence plane sur la pièce.

– Et bien, Rodrigues ?

– Oui, oui, je vais chercher l'infirmier. On devrait aussi envoyer la Scientifique ici, par procédure.

– Procédure de quoi ? On ne va pas perdre notre temps avec des professionnels qui créent des fausses pistes pour nous embrouiller ! Il n'y a rien à en tirer, c'est nickel, et ça pue la javel. Désinfecté jusqu'au plancher.

L'officier soupire et s'en va, je le suis d'un pas assuré dans le couloir aux linoléums tristes et désolés. Il s'approche d'un bureau vitré situé à l'entrée du service, près des portes battantes, où les deux infirmières d'auparavant discutent avec une responsable au regard aiguisé, et se lance dans une longue discussion. Par-dessus son épaule, la responsable m'interpelle dans un français approximatif, mi-énervée, mi-amusée par la situation :

L'Énigme Millénaire - Roman (en cours)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant