XIII - Camille

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Saint-Pétersbourg

Mardi, 16 heures

Le professeur est assis sur l'un des lits jumeaux, son ordinateur personnel sur les jambes, une tasse de café fumant posée sur la table de chevet. Je m'attarde quelque peu sur la vue offerte par la fenêtre du petit hôtel de charme du centre-ville pétersbourgeois, donnant sur la Neva, fleuve majestueux bordé d'une multitude de bâtiments de style impérial. Quelques bateaux s'y attardent, frôlant les quais où s'emplissent, languissants, les habitants en promenade. Je me retourne vers l'historien, en pleine réflexion sur les énigmes de l'assassin.

– Vous n'avez toujours pas de piste ?

Il s'emporte légèrement.

– Inspectrice, vous me posez la question toutes les dix minutes !

– D'accord, d'accord... Et le manuscrit ?

Je pique son attention.

– Comment ça, le manuscrit ? Je croyais que vous n'aviez rien à cirer des taureaux crétois.

Mince sourire.

– J'avouerais presque que ce manuscrit m'intrigue. Vous n'avez pas avancé son analyse ?

– A vrai dire... non. Le piratage m'a pris du temps.

– Je vais vous refaire un café. Peut-être qu'il vous motivera à travailler.

Alors que l'homme s'empresse de rétorquer, il est coupé dans son élan par une sonnerie de téléphone. J'extirpe le vibrant fautif de ma poche et observe l'écran. Numéro masqué. J'ignore l'appel.

– Vous ne répondez pas ?

– Encore de la publicité. Ils m'emmerdent, à force.

Il hausse les épaules et s'en retourne à son ordinateur, saisissant un épais tome dans sa valise, juchée éventrée au milieu du lit. Mourant d'ennui, j'ouvre la baie vitrée et m'adosse au balcon, prenant l'air malgré le vent glacial venant tout droit des profondeurs de la Scandinavie. Allons-nous rester bloqués longtemps à Saint-Pétersbourg ? Il faudrait bien faire analyser le sang de Loukianov, mais où ? La première piste à résoudre semble surtout être le symbole peint avec ce sang, et son lien possible avec le hiéroglyphe de l'appartement de Velázquez. La piste précédente du fameux infirmier Piotr Polensk, elle, s'est arrêtée net, sans espoir de remonter jusqu'à l'homme. Je soupire en repensant aux échanges houleux avec le commandant russe. Je commence à comprendre pourquoi l'ambassade de Russie en Espagne avait accepté nos visas d'urgence si rapidement... Cela devait être pour mieux nous traquer. Je ne peux pas lui en vouloir, il n'allait pas révéler les petits secrets de Loukianov à une simple fliquette parisienne, et surtout pas à un professeur en histoire.

Le téléphone vibre à nouveau, et affiche toujours le même interlocuteur anonyme. Je reste suspendue quelques instants, hésitant à ignorer l'appel. Je reviens au chaud, fermant la fenêtre, et sursaute en voyant le professeur debout, le visage blême, me faire face.

– Imbécile ! Vous m'avez fait peur.

– Vous devriez décrocher.

Mue par la certitude profonde que ces deux appels ne peuvent être une coïncidence, je m'empresse de lui obéir, tendue. Une voix féminine, avenante mais ferme, me questionne :

– Inspectrice Rossignol ?

– C'est bien moi.

– Lieutenant-colonel Hannah Lemaire, du cabinet de madame la ministre.

Mes nerfs se relâchent.

– Ah, excusez-moi, je vous avais prise pour un démarcheur téléphonique.

L'Énigme Millénaire - Roman (en cours)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant