Remember Me

Chapitre 1

19 Décembre 2014

Je n'éprouve rien.

Pas d'amour.

Pas de haine.

Pas de joie.

Pas de tristesse.

Pas de peur.

Pas la moindre petite trace en moi d'un quelconque sentiment. Je ne me demande même pas pourquoi je suis comme ça. C'est comme si ce comportement était normal. Comme si je n'étais, en rien, différente des autres.

Et pourtant, je sais parfaitement que je ne suis pas comme tout le monde. Quelque chose au fond de moi ne tourne pas rond.

C'est peut-être pathologique.

Une maladie dont je serais porteuse et dont cette absence de sentiment serait le symptôme principal. Ce serait tellement plus facile de le croire, mais c'est n'importe quoi. C'est beaucoup plus simple que ça en fait.

Je crois que je m'en fous, tout simplement.

Je me fiche de tout, et plus particulièrement de moi et de ce qui pourrait m'arriver. Je ne me souviens pas du moment exact où ça a commencé. J'ignore même, si je pourrais avoir de nouveau des sentiments un jour. Je n'ai pas toujours été comme ça. Je sais que je suis capable d'aimer.

J'aime mon frère, Lucas.

Enfin, je crois, mais comme je m'inquiète de ce qui pourrait lui arriver, je suppose que c'est de l'amour. Même si je ne l'ai pas revu depuis très longtemps. À part pour lui, je ne ressens rien, pour personne, pas même pour moi. Je rejette toute forme de sentiments, sans même en avoir vraiment conscience.

Les gens que je rencontre disent que je suis insensible, que je n'ai pas de cœur. Quelque part, ils ont raison. Je suis totalement imperméable aux sentiments, quels qu'ils soient. Toute forme d'humanité en moi s'est complètement éteinte. Personne ne comprend. Personne ne peut comprendre.

Je suis comme ça, c'est tout.

Je n'essaie pas de changer, de « guérir » comme disent les psys. À quoi cela servirait-il ? Cet état est-il plus mauvais qu'un autre ? Est-ce que je me sentirais vraiment mieux si j'arrivais à ressentir quelque chose ? Je n'en suis pas certaine, et ma vie me paraît déjà bien assez compliquée comme ça, pas besoin d'en rajouter.

Je suis parfaitement consciente que je ne serai jamais heureuse, que je n'aurai jamais un gentil mari et de beaux enfants dans une grande maison, comme dans les séries à la télévision et que je ne réussirai jamais quoi que ce soit dans ma vie. Mon attitude blasée a fait fuir tous ceux qui m'entouraient. Non, en fait, c'est moi qui les ai fuis. Je suis partie le plus loin possible d'eux et de cette maudite ville. J'espérais ne plus jamais avoir à y revenir, mais on ne choisit pas.

La vie le fait pour nous.

D'ailleurs, elle ne s'en est pas privée. Elle s'est déjà bien amusée avec moi, me volant ce qui m'était le plus cher, détruisant mes rêves et mes espoirs. J'avais tellement de projets et d'envies...

Tout a disparu.

Aujourd'hui, je me contente de prendre ce qu'elle veut bien me donner, sans rien en attendre de plus. Je mène une vie que je n'aime pas plus que ça et je fais un métier que je n'apprécie pas spécialement, mais il me permet de manger. Moi qui pensais être une artiste.

Je suis devenue photographe.

J'ignore pourquoi je me suis tournée vers cette spécialité mais, finalement, je suis plutôt douée. J'ai une technique imparable et toutes mes photos sont parfaites à une exception près : elles n'ont aucune âme.